* Des voix s'élèvent : « il faut que l'Afrique cesse d'être le pourvoyeur de matières premières ». * Les Africains sont-ils capables d'élaborer leurs propres normes ? La contribution des pays africains aux échanges internationaux ne dépasse pas les 2%. Cette part dérisoire s'explique, non seulement par l'étroitesse des marchés du continent noir, mais aussi par la non-conformité du « made-in » africain aux référentiels internationaux. La croissance est tributaire de l'impulsion des exportations. Lesquelles sont soumises aux règles de la mondialisation qui préconisent des standards à suivre pour l'ensemble des pays qui ont choisi la voie de la libéralisation. C'est dire l'importance actuellement accordée à la normalisation des processus et des procédés dans l'industrie africaine à la veille de l'abolition des frontières. Encore faut-il relever les défis d'une industrie africaine jusque-là prématurée.
Le chemin est encore long, mais les experts réunis, hier à Tunis, à l'initiative de l'ONUDI (Organisation des Nations Unies pour le Développement Industriel) et de l'Union Africaine ont essayé de relever les besoins spécifiques de l'Afrique pour le développement des infrastructures de normalisation et d'évaluation de la conformité, en tant qu'éléments clés pour la réduction de la pauvreté en Afrique.
Pourquoi pas édifier nos propres normes. Les marchés occidentaux ou encore les pays industrialisés imposent leurs normes et leurs standards aux pays en développement et aux pays les plus démunis. C'est toujours la règle du plus fort qui régit les rapports commerciaux à l'échelle internationale. Néanmoins, les observateurs considèrent qu'il est temps pour les pays africains de concourir à défendre leurs marchés et pourquoi pas à édifier leurs propres normes. « L'une des raisons qui empêchent les pays africains de profiter des opportunités offertes par les marchés internationaux est sans aucun doute le manque de moyens en matière de normes et de conformité », a affirmé Noura Laroussi, Directrice Générale des stratégies industrielles. La normalisation est un thème d'actualité qui suscite l'intérêt de tous les pays, notamment ceux africains, qui sont les plus concernés par la conformité aux règles internationales, afin de parvenir à relever les défis de l'industrie africaine, de l'exportation et par ricochet du développement du commerce durable. Les pays africains, sont amenés à travailler en concertation de manière à mettre en place les infrastructures adéquates liées aux normes et à renforcer les capacités de contrôle de conformité inter et intra-régional.
Une « infrastructure qualité » moderne Ouvrant les travaux du séminaire sur l 'évaluation du respect des normes et de la conformité pour le développement du commerce durable en Afrique, Afif Chelbi, ministre de l'Industrie de l'Energie et des PME a affirmé : « Les normes sont des instruments indispensables à la conquête des marchés...Elles sont d'ailleurs qualifiées d'intelligence économique de la mondialisation ». Le ministre a passé en revue lors de son intervention la politique industrielle tunisienne en matière de qualité et particulièrement en matière de normalisation. La Tunisie un exemple à suivre Chiffres à l'appui, actuellement, le nombre des normes tunisiennes est de l'ordre de 7800 dont 85% des normes internationales qui ont été adoptées localement. Le réseau des laboratoires sous tutelle du ministère de l'Industrie, compte 60 laboratoires dont 15 déjà accrédités et 5 en cours de certification. Le nombre des entreprises certifiées ISO est passé de 6 à 753 durant les 12 dernières années. Mais pour répandre la notion de normalisation dans tous les pays du continent africain, il est indispensable de mettre en place une « infrastructure qualité » moderne et de coordonner les efforts de toutes les parties dont notamment l'ONUDI, la BAD et l'AFD. « Nous devons conjuguer nos efforts en encourageant les échanges d'expériences et des bonnes pratiques », a ajouté le ministre. Les intervenants se sont félicité de l'expérience tunisienne en la matière tout en soutenant son rôle de catalyseur auprès des pays africains. Les experts réunis durant deux jours ont eu la possibilité de décortiquer les besoins des pays africains nécessaires à l'amélioration et au respect des normes et des standards internationaux. Ils ont mis en exergue les problèmes auxquels les pays africains sont confrontés dans le domaine du respect des normes et l'évaluation de la conformité. La stratégie concertée tourne autour de la mise en place de programmes régionaux avec l'appui des institutions spécialisées et de l'encouragement du partenariat Sud-Sud et ce dans l'ultime but de minimiser la marginalisation de l'Afrique dans le commerce mondial. Yosr GUERFEL
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Point de presse du DG de l'ONUDI et du Commissaire à l'Industrie et au Commerce à l'UA
« Absence d'organismes africains spécialisés » « Nous soutenons la croissance partout dans le monde et nous restons toujours pauvres »
En marge de la réunion d'experts organisée par l'Organisation des Nations Unies pour le Développement Industriel et l'Union Africaine, Kandeh Yumkella et Elisabeth Tankeu, respectivement Directeur Général de l'ONUDI et Commissaire à l'Industrie et au Commerce à l'Union Africaine, ont conjointement tenu un point de presse.
Les deux parties ont insisté sur la nécessité de franchir les obstacles qui entravent le développement de la normalisation et du contrôle de la conformité dans le continent africain. Kandeh Yumkella, a déploré l'absence d'organismes spécialisés en matière de normalisation dans la majorité des pays africains et le manque de sensibilisation quant à la portée de la conformité aux standards internationaux dans la simplification de l'accès aux marchés de l'Union Européenne. Les entreprises industrielles africaines sous-estiment en général les exigences de qualité. Et cela fait que la qualité demeure le maillon faible de l'industrie et du produit africain. La notion de norme reste cantonnée aux normes de sécurité alimentaire alors qu'elle couvre un champ beaucoup plus vaste et concerne notamment le produit dans son ensemble (de la fourche à la fourchette), les procédés de fabrication et le système de management ou encore les personnes. Elisabeth Tankeu, a pour sa part mis le point sur l'obligation de protéger nos marchés africains et de préserver nos parts à l'export en élaborant nos propres normes et pourquoi pas les imposer aux autres marchés. « Nous avons toutes les potentialités en matière de normes environnementales », a-t-elle affirmé. Elle a, à ce titre, insisté sur les capacités des pays africains à produire et exporter des produits « bio » par exemple, à condition qu'ils se mettent en assortiment. La commissaire de l'Industrie et du Commerce à l'Union Africaine a souligné l'importance des ressources naturelles et des matières premières dans le continent africain, tout en mettant l'accent sur l'importance de ces ressources dans le soutien du rythme de la croissance, à condition d'outrepasser notre simple rôle de pourvoyeurs de matières premières au rôle de transformation des matières premières en un produit fini compétitif. Cette transition passe inévitablement par l'amélioration de la qualité, qui elle même est tributaire de la normalisation des produits. « Par le biais de nos ressources, nous soutenons la croissance partout dans le monde et nous restons toujours pauvres ». « Nous vivons la globalisation et nous nous battons pour développer notre capacité productive », a conclu la Commissaire à l'Industrie et au Commerce à l'Union Africaine.