Qui sait qu'un jour, on aura la surprise de tomber dans les magasins tunisiens sur des chaussures fabriqués en peau de dromadaires ou de chameaux. C'est en tout cas, ce que nos professionnels de l'industrie du cuir et de la chaussure sont en train de concocter en cherchant à explorer de nouveaux créneaux de production et de stimuler l'innovation dans le secteur. De nouvelles sources d'approvisionnement en peaux brutes sont exploitées, à l'instar de la peau de dromadaire qui était jusqu'à présent dilapidée, mais grâce aux travaux de recherche engagés par le Centre national du cuir et de la chaussure (CNCC), cette matière a pu être convenablement traitée et intégrée dans les circuits de production.
Miser plutôt sur la qualité Plusieurs experts du secteur saluent cet effort colossal mais ils affirment que ce processus sera de longue durée et dépend fortement lié de la culture des Tunisiens qui n'est pas habitué à porter un tel cuir. Ils préconisent d'orienter l'attention sur l'amélioration de la qualité des produits et sur l'innovation en créant de nouveaux modèles pour tous les âges et tous les goûts, mieux que de creuser dans le moyen âge où l'homme portait des bottes et chaussures en peau d'animal, surtout que cette industrie a subi les contrecoups de la crise internationale. « L'avenir du secteur, dans un contexte de crise économique mondiale, se joue sur le développement de la qualité et une stratégie de marketing plus visible et plus audacieuse ainsi que sur un positionnement sur une production de moyenne et de haut de gammes », précise un promoteur italien implanté en Tunisie. Selon, M. Jean Paul Merle, consultant international, a indiqué que la Tunisie peut encore se prévaloir, aujourd'hui, de sa proximité géographique, de la facilité des échanges avec l'Europe, de salaires moins élevés qu'elle offre, de la stabilité politique, de l'absence d'importantes perturbations climatiques (mousson ou tsunami). Il a indiqué que les industriels tunisiens dont les produits n'ont, actuellement, pas de marques doivent mieux faire connaître leurs usines et valoriser leurs produits. Le consommateur européen regarde aujourd'hui la qualité du produit et c'est à ce niveau que va se jouer le gain de compétitivité pour l'industriel tunisien, a-t-il conclu.
Qu'a fait le CNCC Le CNCC cible un recours accru aux outils et aux approches informatiques pour optimiser l'organisation de la production et rationaliser la gestion de la fabrication. En matière de digitalisation de la conception des modèles, une enquête sur les pointures tunisiennes a été menée par le centre, afin de mieux en cerner et épouser les formes. Pour favoriser l'éclosion de jeunes talents, le CNCC a créé un espace mode en son sein pour donner à ces jeunes, la possibilité d'intégrer les circuits de production dans le secteur. Conscient des impacts sur l'environnement, le CNCC a entamé un travail de recherche sur la valorisation des déchets de cuirs finis et semis-finis, générés par l'industrie du cuir. De même, il s'agit de concevoir et produire des chaussures adaptées au pied diabétique, situation qui concerne malheureusement une population assez importante, avec la coopération du ministère de la santé publique.
Rude concurrence du Sud-Est asiatique Pour surmonter la crise ainsi que la rude concurrence du Sud-Est asiatique, l'industrie tunisienne du cuir et de la chaussure, précisent plusieurs professionnels, doit miser sur la qualité et assurer la livraison des produits à temps et selon les critères exigés. « La production tunisienne doit se positionner sur la moyenne et le haut de gamme, essentiellement pour des clients européens », ajoute-t-ils. En effet, l'Union européenne est le principal partenaire de la Tunisie. Plus de 90% des exportations tunisiennes du cuir et de la chaussure se font sur le marché de l'Union Européenne. Les principaux clients sont l'Italie (40%), suivie de la France (35%) et de l'Allemagne (10%). Aujourd'hui, ce secteur compte 450 entreprises, dont 50 pc sont totalement exportatrices et offrent 40.000 emplois. Près 285 entreprises du secteur (60% du total et 80% des entreprises employant 20 personnes et plus) ont adhéré jusqu'à fin 2008, au programme de mise à niveau, moyennant une enveloppe d'investissements de 170 millions de dinars dont 25 pc ont été consacrés aux investissements immatériels. Des études dressant un bilan de compétitivité ont démontré que la production de la chaussure en Tunisie, à savoir la réalisation de toutes les opérations de coupe, piquage, montage et finition, permet à l'entreprise européenne qui a délocalisé sa production de réaliser un gain de coût de l'ordre de 50%. Les exportations connaissent une mutation importante, la part des chaussures finies ne cesse d'augmenter, elle représente actuellement 56% du chiffre d'affaires global des exportations du secteur contre 23% en 1990. Cette mutation s'est fait au détriment de la tige qui ne représente plus désormais que 27% contre 49% en 1990. Plusieurs grands groupes ont choisi la Tunisie pour y développer leurs activités et prospérer. (Lumberjack, Marco Botti, Massimorella, Minelli, Minerva, Noel, Otterbeck, Adidas, Altek, Andre, Bailly, Buggy, Cancuro, Cardan, Celini, Picard, Prada, Rella...).