Il a fait chaud au cœur à Kairouan, ces trois derniers jours. Et pour cause : la ville aghlabide, la première citadelle de l'Islam sur ces terres, s'est préparée comme il se devait pour accueillir des dizaines de milliers de visiteurs. Le Mouled, en effet, ne se passe jamais inaperçu. Mille et une précautions sont prises pour la fête. Cette fieste populaire faite de guirlandes, de banderoles, de youyous et de musiques et d'assida, se déroule dans les meilleures conditions. Kairouan, ces jours-ci, c'est la joie des gens, de connaissance et inconnus qui s'échangent les salutations, s'embrassent et se tiennent par la main. Ce sont ces troupes de chants soufis et de musique tout court, qui chantent des psalmodies religieuses dans et tout autour du mausolée Abou Zamaâ Al-Balaoui et de la grande mosquée Okba, attirant une foule immense. Les grandes artères, les rues et les ruelles ne désemplissent pas, de jour comme de nuit. Les boutiques de pâtisseries affichent un air de fête, et les Makroudhs, ces gâteaux tant aimés par tous, se vendent comme de petits pains. L'un de leurs vendeurs affirme qu'il s'est préparé comme il se doit à la fête, en estimant que ses ventes ont, encore une fois, enregistré des records. Et il est heureux de raconter que « sa » ville sainte est la seule au monde où le Mouled prend bien. Il affirme : « Depuis mon enfance et jusqu'à aujourd'hui, j'ai toujours été présent pour participer à la communion, goûter aux plaisirs indescriptibles de cette fête unique que seuls les Kairouanais sont capables d'organiser ». C'est ce qui a fait venir un habitant de la ville de Tataouine. Il raconte : « Je viens tous les ans à Kairouan pour participer à la fête et connaître d'autres personnes ». Il ajoute que chaque année il est invité par une famille, toujours la même, pour fêter avec elle le Mouled. Et les gens viennent de partout, venus des pays voisins. Des visites, sont organisées et autant que des échanges de visites entre familles. Qui n'a pas préparé deux ou trois plateaux de gâteaux, à déguster et a en offrir ? Qui n'a pas acheté une robe, une chemise ou même un petit mouchoir, juste pour marquer l'évènement ? Et ces allées et venues, du bassin des Aghlabides jusqu'au centre ville, en passant par la grande mosquée, ou celle d'Abou Zamaâ Al-Balaoui, le barbier du Prophète ? Quelques regrets pourtant ; les guirlandes et les couleurs sont réservées à certaines artères et quelques places. Deux poids et deux mesures disent certains. Faute de moyens, affirment d'autres. Mais Kairouan, ces jours-ci, ce sont deux visages, deux fêtes différentes, l'une occupant les avenues principales. L'autre silencieuse, sans couleurs dans les quartiers situés un peu plus loin du centre ville. Le Mouled, c'est aussi les gens pieux qui se donnent à cœur à la prière et passent de longues heures dans les mosquées. En attendant les plats, des centaines de plats d'Assida que les familles kairouanaises apporteront sûrement très tôt le matin du jour du Mouled, jour d'anniversaire du Prophète.