Consciente de l'importance acquise par le contrat dans l'action publique, l'unité de recherche « Droit et Gouvernance » de la faculté de Droit et des Sciences politiques de Tunis a organisé, les 13 et 14 mars 2009, un colloque international intitulé « les mutations des contrats publics ». Les services du conseiller juridique et de législation du gouvernement au Premier ministère ont collaboré à ce colloque qui s'est tenu avec la participation de la Commission supérieure des marchés et de l'Observatoire national des marchés publics ainsi qu'avec le soutien de la Fondation allemande Hanns Seidel. Il suffit de voir l'introduction de l'idéologie contractuelle entre les ministères et les établissements relevant de leurs autorités comme le ministère de l'Enseignement supérieur avec les universités ainsi que d'autres ministères avec les entreprises publiques sous tutelle, pour comprendre la nouvelle portée des contrats publics qui acquièrent une nouvelle jeunesse avec les montages contractuels complexes se développant tout autour. La contractualisation semble, en outre, envahir des champs de plus en plus larges d'activités publiques industrielles, commerciales et de services dans un champ très large de secteurs comme les travaux publics, le transport, la santé, l'enseignement, la gouvernance locale, la gestion des déchets, la protection de l'environnement, etc. Le contrat déborde, désormais, les services publics traditionnels pour atteindre des services et des activités non marchandes. Ils portent sur des investissements internes et internationaux de plus en plus lourds. Les propos introductifs du Professeur Mustapha Ben Letaief ont insisté sur le fait que le contrat est devenu le mode privilégié de la bonne gouvernance : « il est la technique jugée la plus efficace de redéploiement des modes d'action des pouvoirs publics et de reconfiguration des relations entre secteur public et secteur privé, entre Etat et société civile. Il est censé engendrer un déclin souhaité de l'unilatéralisme autoritaire et de l'acte unilatéral qui a été, de longue date, son instrument privilégié. Cette revalorisation du contrat a permis l'éclosion d'une logique, perçue comme plus démocratique, de partenariat et de partage équitable des risques et des bénéfices », a-t-il notamment souligné. Le Professeur Ben Letaief n'a pas manqué de poser des questions sur la consistance des nouveautés : « S'agit-il simplement de nouvelles variantes, d'une nouvelle couche contractuelle qui vient se superposer aux anciennes, ou, de nouvelles catégories conceptuelles résultant d'un croisement de systèmes juridiques et de cultures contractuelles différentes », s'est-il interrogé. De son côté, M. Jamil Hayder, le représentant de la Fondation Hanns Seidel en Tunisie et en Algérie, a insisté sur le rôle des contrats dans l'institution de la bonne gouvernance : « le contrat devient même le mode privilégié de la bonne gouvernance », a-t-il précisé.
Regards croisés La nouveauté dans ce colloque scientifique, c'est que la contribution de l'administration a été consistante. Des hauts cadres des services du conseiller juridique et de législation du gouvernement au Premier ministère, de la Commission supérieure des marchés et de l'Observatoire national des marchés publics ont contribué à l'enrichissement des débats par des études sur « les mutations du régime des concessions en Tunisie », « les tendances du droit des marchés publics » et « les nouvelles mesures en matière des marchés publics ». Par ailleurs, une étude a été consacrée à la concession de l'Aéroport d'Enfidha. Majed Sfar, rattaché aux services du conseiller juridique du gouvernement a porté des éclairages dans sa présentation : « un grand projet d'infrastructure concédé : l'Aéroport d'Enfidha ». Cette approche a permis la concertation des chercheurs universitaires et des cadres de l'administration sur des questions de haute importance. Elle permet d'apporter une double évaluation des lois. La première émane des chercheurs universitaires qui l'ont conçue. La deuxième est celle des cadres de l'administration qui sont en train de l'appliquer. La présence de chercheurs d'Europe et du Maghreb a permis d'enrichir davantage ce débat d'actualité. Ce colloque a servi de contribuer au développement d'une réflexion partagée et croisée sur la problématique des mutations des contrats publics. Les diverses expériences présentées ont permis une approche comparative sur cette question qui se positionne au croisement du droit et de la gouvernance.