Dans une édition régionale du journal télévisée de « RAI 3 », la présentatrice italienne parla de « peines trop lourdes », relatant aussi les péripéties du crash et rappelant les thèses et les indices en présence. Entre autres, le reportage n'excluait pas un défaut de fabrication de la jauge, défaut dont le fabriquant ATR assumerait l'entière responsabilité pénale et civile de la catastrophe qui s'en est suivie. Et puisque l'Italie est un pays démocratique, les médias firent état de l'indignation de l'ANPAC « Association Italienne des Pilotes de l'Aviation Civile ». L'Association juge, en effet, « arbitraire et partiale » l'enquête « exclusive » menée par l'Agence Italienne pour la Sécurité des Vols (ANSV). Pis : le fait de reproduire le crash avec un simulateur de vol constitue, selon les observateurs, un fâcheux précédent. Il était, d'ailleurs, question à un certain moment d'adopter le même procédé dans l'instruction de l'affaire du « Concorde », mais l'OACI, l'instance d'arbitrage suprême en matière de vol aérien, s'y est catégoriquement opposée.
... Et pourtant, une justice à pas de tortue La justice italienne, connue pour sa lenteur excessive, fit preuve, cette fois, d'une célérité exceptionnelle. A titre anecdotique, le procès Andreotti dura vingt-sept ans. Celui des « Brigades Rouges », dix-sept. Et elle n'a pas encore dit son dernier mot, près de vingt ans après, dans la tragédie de la gare de Bologne. Au nom de la territorialité, le parquet de Palerme s'est auto-saisi de l'affaire. Mais le parquet tunisien aurait parfaitement pu se saisir, lui aussi, de l'affaire. Occulter comme ce fut le cas dans ce procès, ce que les spécialistes du Droit International Public appellent « Les points de rattachement » (entre autres la délimitation et la détermination des eaux territoriales) aura consisté à renoncer à un conflit de juridictions. Et, en l'absence de ce conflit de juridictions - qui est pourtant réel – le parquet de Palerme a fait cavalier seul, tandis que les autorités tunisiennes étaient en droit d'instruire le procès en Tunisie.
Opposition et recours à l'OACI Le parquet de Palerme s'en défend. Il affirme avoir adressé des assignations à la partie tunisienne. On ne saurait trop dire s'il fallait mandater nos avocats, par ailleurs, connus par leur habileté dans des procès de ce genre et pour leurs connaissances des arguties juridiques et des procédures en matière de Droit International Public. Il n'empêche : le jugement par défaut rendu par le tribunal de Palerme n'est pas exécutoire. La partie tunisienne peut faire opposition et intenter même ce que l'on appelle une « demande reconventionnelle » , c'est-à-dire une espèce de renversement de la vapeur. Casser le jugement et demander même des dommages. Avec bien sûr, le recours à l'OACI pour une contre-expertise de cette fameuse jauge qu'ont occultée les enquêteurs italiens.
Communication Pour conclure, revenons à notre cuisine intérieure. Les journaux de Dar-Assabah ont largement fait état du crash, des témoignages et de l'amerrissage jugé « héroïque » par les Italiens. Etait-ce pour autant une affaire classée ? Puisqu'on flairait la combine italienne, n'était-ce pas judicieux d'informer les Tunisiens en temps réel et de leur éviter le choc de ces condamnations qui ont eu l'effet d'un couperet sur l'opinion publique semant doute, désarroi et extrapolations. Pourquoi faut-il toujours attendre parfois que des agences internationales nous parlent de ce qui nous concerne ?