Quand elle parle, Mme Arbia Ben Ammar dégage d'elle l'assurance de la femme qui, avec un riche itinéraire, possède une solide expérience politique. Née à Carthage en 1952, après des études primaires et secondaires, elle s'inscrit à la faculté de médecine de Tunis où elle participe en tant que militante à l'UGET aux événements de février 1972. Dans les années 80, elle adhère, à la Ligue Tunisienne pour la Défense des Droits de l'Homme (LTDH), gravit les échelons et devient membre du comité directeur de 1994 à 2000. En 1986, elle entre au Parti de l'Unité Populaire (PUP) et en 1996, elle est élue député lors des législatives partielles. Enseignante en biologie Mme Ben Ammar est membre du bureau politique du PUP depuis le congrès du parti qui s'est tenu en mars 2006. Il y a une dizaine d'année elle a participé à Séoul à un congrès mondial sur la question féminine. A cette occasion et à l'occasion de la Journée Mondiale de la Femme, nous l'avons invitée.
Interview
•Le Temps : Que représente pour vous la Journée Mondiale de la Femme ? Mme Arbia Ben Ammar : La Journée Mondiale pour la Femme représente une date symbolique. En quelques sortes, c'est une fête mondiale qui légitime tout le militantisme et tout l'engouement pour une égalité réelle et une reconnaissance de la femme en tant que partenaire à part entière. C'est l'occasion également, pour nous femmes, de faire le bilan de ce qui a été réalisé pour la femme sur le plan national et international et aussi ce qui reste à faire • Il reste des choses à faire ? - Les revendications ne s'arrêtent pas. Il y a toujours des choses à réaliser. Mais il y a surtout des voix qui s'élèvent de temps en temps et qui réclament le retour de la femme à la maison. Il y a l'obscurantisme et le fondamentalisme qui veulent remettre en cause les acquis de la femme. Il y a ce risque, il faut faire gaffe pour barrer la route à ce courant et préserver les acquis qui sont les acquis de toute la société • En bref quels sont ces acquis ? - L'égalité en général : l'égalité des chances, l'égalité au travail, dans l'enseignement, dans la santé. En bref, l'égalité de la femme et de l'homme dans tous les domaines et tous les secteurs. En Tunisie, la femme est reconnue comme un partenaire à part entière avec l'homme, c'est écrit dans la constitution. • Mais ce qui reste à faire ? - C'est écrit dans la constitution. Mais c'est une formule générale. On voudrait qu'elle soit explicitement stipulée dans la constitution. Autre chose sur le plan politique, la femme reste en deçà de nos espoirs. La volonté politique pour faire participer davantage la femme existe d'une façon effective, pourquoi pas donc une mesure législative dans le cadre électoral qui instaure un quota de présence de la femme sur les listes électorales ? le RCD l'a fait, pourquoi pas les autres partis • Le PUP a instauré un quota ? Non. Mais lors des élections législatives de octobre 2004, il a choisi quatre femmes militantes comme têtes de listes • Combien de femmes compte le parti ? - A peine 10% • C'est peu ? - Oui. Vous savez, il n'y a pas de freins politiques à la présence de la femme dans les partis. Mais il y a des handicaps liés à la mentalité, à la pratique et aux charges du travail • Il y a celles qui réclament l'égalité dans l'héritage. Etes -vous pour ou contre ? - Je suis pour. Pour moi, il faut trouver une formule juridique pour réaliser cette égalité. Les femmes aujourd'hui participent à la vie du couple, à la création des richesses, au budget familial, donc je ne vois pas pourquoi, nous filles, ne peuvent pas bénéficier d'un héritage égal à celui de nos fils. La femme est partenaire à part entière, pourquoi alors cette discrimination ? la religion musulmane est une religion d'égalité, de justice. On peut trouver un moyen légal pour contourner cette discrimination. • Qu'espériez -vous pour l'avenir de la femme ? - Une grande participation à la vie politique et ce, au delà des charges politiques. Elle possède des atouts de taille qui lui permettront d'assumer pleinement son rôle dans ce domaine. Elle sait écouter, négocier et agir. Elle : le moteur de la famille et le premier noyau dans le cycle de l'éducation. Elle peut jouer pleinement un rôle dans la préservation de la culture nationale et surtout de l'identité nationale. Le sociologue palestinien disait « la femme est la protectrice de l'identité des peuples ».