Lotfi Rhim a déjà le couteau sous la gorge. Non seulement un contrat à durée trop réduite - un an, c'est peu si on veut planifier pour l'avenir - mais de surcroît, Sousse avec son intelligentsia nombriliste du football, ne jubile pas. Elle fait même des moues et dans les milieux étoilés (même en dehors de Sousse), on ne le dit pas en ces termes, mais les commentaires ont cette teneur : « Rhim est trop petit pour l'Etoile » !
Un certain Sacchi... Il y a près de vingt ans, Silvio Berlusconi rachetait l'AC Milan, qui vivait une effroyable descente aux enfers : deux relégations, l'espace de cinq ans. Et, suprême affront, pour renforcer son potentiel, l'AC Milan se rabattait sur les réservistes de l'ennemi de toujours : l'Inter. Dans sa vision de grandeur*, Berlusconi eut une inspiration : Sacchi. Celui-ci était inconnu au bataillon. Il entraînait Parme en 3ème division, a accédé avec cette équipe en deuxième puis en première. Etait-ce suffisant pour qu'il prenne en main une écurie de prestige, l'AC Milan ? La presse satirique parlait à l'occasion de chauffeur de taxi (Sacchi) au volant d'une Ferrari (Milan). On connaît la suite : le chauffeur de taxi instaure une révolution. Il introduit la défense de zone, dans le conservatisme du Calcio. Il accumule titre sur titre. Il crée une équipe galactique avec les Van Basten, Baresi, Gullit et Ryjkaard. Et réinstalle l'AC Milan sur le toit du monde. Un cycle fantastique. Le chauffeur de taxi s'avérait plus puissant que la Ferrari...
Turbulences... Moëz Driss aura tout essayé. Peut-être avait-il bradé Benzarti, mais c'était l'impasse puisqu'entre les deux hommes, l'incompatibilité d'humeur était paralysante. Mais avec Marchand un cycle était susceptible d'être enclenché. Le triomphe africain au Caire le laissait prévoir. Marchand, récupéré après avoir été ostensiblement précarisé par le Club Africain (une erreur ?) a, quand même, eu le tort de rater un championnat après que son équipe eût caracolé en tête, tout le long du championnat. La même mésaventure, le même scénario qui lui valurent le licenciement au Club Africain. Généralement, les grandes équipes recrutent ceux qui leur font mal. En recrutant Marchand, Driss a fait le contraire. Mais il n'avait pas tort. Les conditions de départ de Sousse, de Marchand, restent encore obscures. A un certain moment on assistait à une drôle de transition : Marchand et Decastel ensemble sur le banc. Et il était clair que Decastel était déjà l'entraîneur ou le maître à bord. Or, trop tendre, le Suisse gagne si les dirigeants font le boulot à sa place : discipline des joueurs entre autres. Et c'était d'autant plus jouable que les grosses têtes parmi les joueurs avaient été transférées. Une parenthèse s'impose à cet effet : en aucun cas Moëz Driss n'avait pas les moyens de retenir des joueurs déjà bien cotés sur le plan international. Le vivier ? Il est bon. Il est toujours bon. Mais il fallait des réajustements sur le mercato et l'Espérance de la fin de saison dernière et de cette année ne laissait que des miettes sur le marché !
Syndrome de la métropole Maintenant, qu'on accueille Rhim avec autant de scepticisme, voilà qui est potentiellement déstabilisateur pour l'Etoile. Les grands noms n'ont pas accroché à Sousse. Driss, subtilement, juge la valeur intrinsèque d'un entraîneur et guère sa carte de visite. C'est courageux, dans un environnement oppressant et où les anciens du club brandissent l'argument de la légitimité. Lotfi Rhim, a fait du travail fantastique avec l'USMo. Il s'était même retrouvé seul, alors que la guéguerre entre dirigeants battait son plein. On oublie, néanmoins, que de grands entraîneurs sont passés par l'USMo. Depuis Ameur Hizem jusqu'à Faouzi Benzarti. On a même tendance à oublier que le football monastirien, ce n'est pas la périphérie. Il est, peut-être, temps que les grands clubs se débarrassent de l'égocentrisme de la métropole.