Notre invité, aujourd'hui, est le président du Conseil de l'Ordre des Vétérinaires. Il nous parle ici de la polémique soulevée par le président du Conseil de l'Ordre des Pharmaciens concernant la vente des médicaments par les vétérinaires qui, selon lui, lèse les pharmaciens, des problèmes de la profession, du rôle du vétérinaire, de la grippe H1N1 et d'autres questions. • Le Temps : Vos rapports avec le Conseil National de l'Ordre des Pharmaciens (CNOP) ne semble pas au beau fixe. Dans une interview accordée au Temps, le 1er juin, M. Abdelkerim Hamrouni, le président du CNOP affirme que le problème crucial de la rentabilité d'une pharmacie dans les zones rurales est le vétérinaire qui se permet de vendre les médicaments vétérinaires à la place du pharmacien et qu'ainsi il consulte et prescrit alors, dit-il que nul ne peut dispenser les médicaments autre que le pharmacien. Qu'en pensez-vous ? -Noureddine Ben Chehida : Nous rappelons que le médicament vétérinaire ne représente que 3% du chiffre d'affaire d'une pharmacie. La réussite d'une pharmacie tient-elle à ces 3%. Quant à l'affirmation, le vétérinaire consulte et prescrit. Cela nous paraît d'une logique évidente. Faut-il laisser le soin au pharmacien de prescrire le traitement ? D'ailleurs, certains pharmaciens vendent directement les produits vétérinaires (antibiotiques, antiparasitaires et autres), aux éleveurs, sans ordonnance médicale. Dans l'interview, M. Hamrouni affirme aussi que la vente des médicaments par le vétérinaire est une aberration et elle est contraire aux textes. Non la loi n°73-55 du 3 août 1973 organisant les professions pharmaceutiques et la loi n°78-23 du 8 mars 1978 organisant, les professions vétérinaires donnent le droit au vétérinaire de détenir et de gérer les médicaments vétérinaires.
• Mais les médicaments conservés par les vétérinaires sont placés, selon le président du CNOP dans des mauvaises conditions souvent dans les coffres des voitures. -Accuser les vétérinaires de conserver les médicaments dans les coffres de leurs véhicules dans de mauvaises conditions sanitaires est une atteinte grave à l'honneur de notre profession. Les vétérinaires tunisiens seraient-ils les seuls au monde, parmi tous leurs confrères d'autres pays détenant et prescrivant les médicaments vétérinaires, à commettre de telles fautes ? Le CNOV veille à travers des procédures mises en place à ce que les médicaments vétérinaires soient détenus dans de bonnes conditions. Certes, comme dans toutes les professions, dont celle de pharmacien, il existe parfois de mauvaises pratiques individuelles auxquelles, d'ailleurs, nous veillons. Si M. le président du CNOP a relevé certaines défaillances individuelles nous le prions de nous les signaler pour nous permettre de prendre les mesures qui s'imposent. Enfin, évitons la polémique et le corporatisme, cherchons plutôt l'intérêt général, c'est-à-dire, l'intérêt du pays. Notre but essentiel en tant que médecins vétérinaires, est de veiller à la santé humaine, puisque la santé de l'homme passe par celle de l'animal comme a dit Pavlov : " si le médecin soigne l'homme, le vétérinaire soigne l'humanité ".
• Parlons justement de la profession vétérinaire. Quels en sont les problèmes ? -Aujourd'hui, le vétérinaire est présent partout dans le pays, l'Etat a instauré le système du mandat sanitaire. Il mandate le vétérinaire pour assurer la vaccination des animaux, c'est ce qu'on appelle la prophylaxie médicale, c'est-à-dire la prévention. Donc, le vétérinaire s'installe partout dans les zones les plus reculées. Mais, il n'a qu'une seule possibilité, pour se procurer les médicaments. Il le fait auprès des filiales de la Pharmacie Centrale. Ce sont les quatre dépôts régionaux de la Pharmacie Centrale et qui sont parfois très éloignés du lieu où se trouve le vétérinaire. La loi de 1978 organisant la profession ne permet pas au vétérinaire de s'approvisionner auprès des grossistes qui distribuent les médicaments. Donc, le vétérinaire est obligé de se déplacer aux filiales régionaux de la Pharmacie Centrale qui sont parfois très éloignées. Ce qui occasionne une perte de temps et d'argent qui a une incidence sur la rentabilité de la production chez l'éleveur.
• Vous revendiquez, donc, la modification de la loi de 1978 ? -Absolument, nous revendiquons l'amendement de cette loi pour permettre au vétérinaire de s'approvisionner en médicaments directement chez les grossistes ce qui minimisera les coûts et fera baisser le prix de la denrée alimentaire. Il faut fournir les moyens nécessaires au vétérinaire afin qu'il fasse son travail dans de bonnes conditions. Il est le seul responsable de la salubrité des aliments et il est incontournable en matière de santé publique et ce, en garantissant que les denrées alimentaires d'origine animale soient saines et dépourvues de résidus et de contaminants grâce au suivi de la traçabilité du médicament et en veillant aux délais d'attente ce que, d'ailleurs, personne d'autre que lui, ne pourra faire.
•Un mot sur la grippe porcine ? -Qu'on cesse de l'appeler grippe porcine et qu'on l'appelle par son vrai nom H1N1, de type A. C'est une grippe humaine. On a examiné les séquences géniques du virus, on trouve des composantes porcines, aviaires et humaines. Et c'est une maladie qui se transmet d'homme à homme et non de l'animal à l'homme. Donc, c'est un problème de santé humaine et qui est, d'ailleurs, bien géré par le ministère de la Santé. Interview réalisée par