Sommes-nous en pleine métamorphose de l'enseignement? Il semblerait que si. Qu'un pionnier de l'enseignement multimédia se mette à enseigner la philo (cf page 3) voilà qui marque une évolution à première vue atypique de l'enseignement. Etablir un lien entre Socrate et Bill Gates - pour rester dans les icônes - pourrait paraître relever d'un singulier mélange des genres, en effet... Au début de leur irruption dans nos vies les nouvelles technologies, savantes et compliquées, étaient perçues avec hostilité: elles auguraient d'un nouveau type d'aliénation de l'homme et, donc, du savoir à la machine. Et puisque tout y est sous forme de programmes, nos vies ne dépendaient plus de nous ou alors elles se déroulaient à notre insu: elles étaient programmées par l'ordinateur et nous n'avions plus qu'à suivre. Ce voile de suspicion ne fut par la suite levé que lorsque nous fîmes la différence entre le robot et l'ordinateur. Le premier est tout compte fait, un stakanov conçu par l'industrie libérale, mais aliéné. Le second pousse à l'infini les limites de notre mémoire. Mais la révolution des nouvelles technologies est tout aussi ravageuse que la révolution industrielle du XIXe siècle. Elles ont en commun le mot: cassure. L'une et l'autre découpent la planète en deux. Au début du XXe siècle on parlait déjà de pays industrialisés et de pays qui ne le sont pas. A l'ère des nouvelles technologies, on parle de fracture numérique. Elle est autrement désastreuse pour les pays restés en deçà, plus précisément les pays du Sud, où le Savoir et l'enseignement y sont assujettis. Certes les boulevards de l'information n'ont pas que des vertus. Quelque part l'Internet a aussi mis a nu les vices primaires des hommes: dérives, intrusion dans la vie privée des gens, calomnies, pédophilie, trafics en tous genres... En l'occurrence l'humanité découvrait à travers l'ordinateur, jusqu'à quel point ses tripes étaient capables de pourrissement. Comment y remédier? Par l'invasion du savoir sur les NTIC. Par la part noble qui y est réservée aux sciences humaines. Du coup l'enseignement ringard, le tableau noir et la craie prennent des formes plus attractives projetées par l'écran d'un ordinateur. Et voilà que Socrate réussit à s'insinuer dans les tripes de l'informatique. Car, finalement, informatiser l'enseignement c'est aussi le rehumaniser et non le robotiser. C'est cela la haute symbolique que revêt l'ordinateur en classe.