Le Temps-Agences - Les Français ont massivement voté hier pour un choc final entre Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, le candidat de droite à la présidentielle arrivant en tête du premier tour, avec un assez net avantage sur sa rivale socialiste, selon les premières estimations des instituts de sondages. M. Sarkozy a obtenu de 29,5 à 30% des voix, devant Mme Royal, qui recueille de 25,2 à 26,3%, selon les estimations diffusées par quatre instituts à 20H00 HT après la première étape d'un scrutin qualifié d'historique. Leurs deux principaux challengers, le centriste François Bayrou, entre 17,9 et 18,8%, et le leader d'extrême droite Jean-Marie Le Pen, entre 10,6 et 12%, sont donc éliminés de la course, tout comme les huit autres candidats, dont cinq de la gauche radicale. Aucun d'entre eux ne dépasserait les 5% des voix. Ce scrutin, qui a passionné les Français car il marque l'avènement d'une nouvelle génération politique après douze années de présidence Chirac, a été marqué par une participation record, supérieure à 85%. Partout en France, où régnaient hier des températures estivales, les files d'attente se sont allongées devant les bureaux de vote jusqu'à la clôture du scrutin. Cette mobilisation a sans doute profité à Mme Royal qui avait multiplié en fin de course les appels au "vote utile" pour éviter au Parti socialiste une répétition du "cataclysme" de 2002 lorsque son candidat Lionel Jospin avait été éliminé dès le premier tour par M. Le Pen. Le 6 mai, les 44,5 millions d'électeurs seront appelés à retourner aux urnes pour désigner le successeur, pour cinq ans, de Jacques Chirac, qui quitte la scène politique à 74 ans. Ils devront départager Mme Royal, 53 ans, première femme à avoir des chances réelles de devenir présidente en France, et M. Sarkozy, 52 ans. Celui-ci devrait aborder la bataille finale en position de favori : avant le premier tour, la quasi-totalité des sondages le donnaient vainqueur au second tour dans le cas d'un duel avec Mme Royal. Mais la socialiste va tout faire pour fédérer un front anti-Sarkozy le plus large possible. L'ancien ministre de l'Intérieur a lui-même estimé que les compteurs seraient "remis à zéro" et qu'une nouvelle élection commençait au soir du premier tour. L'affrontement annoncé - celui de la gauche contre la droite, d'un homme contre une femme, de deux personnalités controversées promettant de faire de la politique autrement - promet de passionner à nouveau le pays. Pour réaliser l'ambition de sa vie, M. Sarkozy va devoir gagner des voix à l'extrême droite et au centre et s'efforcer d'apparaître en "rassembleur". Quant à Mme Royal, elle va devoir mobiliser largement, au delà de la gauche, contre M. Sarkozy, dont elle a dénoncé la "brutalité" de certains propos durant la campagne. Des voix minoritaires au sein du Parti socialiste avaient appelé à une alliance Bayrou-Royal avant le premier tour. Les prises de position du centriste avant le second tour seront donc analysées de très près. M. Sarkozy a promis la "rupture", avec un programme économique libéral comprenant une baisse des charges fiscales et sociales des entreprises. Il a été accusé par ses adversaires de se placer sur le terrain de l'extrême droite sur des thèmes comme l'immigration et l'identité nationale. Mme Royal, dont les revirements tactiques et des "bourdes" en politique étrangères ont handicapé la campagne, entend incarner un renouveau de la gauche. M. Sarkozy, comme Mme Royal, ont promis de redonner confiance à un pays qui doute et reste à la traîne en Europe en matière de chômage et de croissance. Une tension latente persiste dans les banlieues, secouées à l'automne 2005 par des émeutes sans précédent, qui ont mis en lumière les ratés de l'intégration des jeunes Français originaires du Maghreb et d'Afrique noire. Cette élection phare est suivie avec une attention soutenue à l'étranger, notamment dans l'Union européenne, qui cherche les moyens de se relancer après le non retentissant de la France lors du référendum sur la Constitution européenne en 2005.