Pour une première dans son pays, Karim Gharbi a pris le public de court. Son spectacle était convaincant en dépit d'un timing trop limité. En tout cas, l'avant-goût donné lors de ces Journées Musicales de Carthage augure d'une consécration pour ce jeune artiste tuniso-belge. Ingrédients de ce succès : une voix qui capte, qui interpelle, tant ses intonations sont singulières, relevées d'accents orientaux et de vibrations inimitables. Dans son interprétation d'un poème de Paul Verlaine, en plus diction parfaite, il y a l'écho limpide et profond de la voix qui en impose. Karim Gharbi s'exprime avec beaucoup d'émotions quand il parle de son pays d'origine et du rôle de son papa dans son parcours artistique. Diplômé des Conservatoires de musique de Bruxelles, Liège, Roubaix, et aussi de l'Académie des Beaux-arts de Bruxelles en section danse, Karim Gharbi s'est formé à plusieurs écoles, du classique au Jazz, des musiques populaires à l'improvisation et à la composition, notamment dans les classes d'Abdelmalek Kadi. Il a également travaillé sur la scène du Jazz avec Jean-Louis Rassinfosse, Pirly Zurstrassen. Ceux-ci sont davantage des habitués de « Couleurs Jazz », manifestation qui vient d'avoir lieu au Palais Ennejma Ezzahra, que de l'opéra. Aussi, Karim Gharbi vient de gagner le Premier Prix à la Biennale 2010 de la Chanson française de Bruxelles et en 2009, le Prix « Le Mans Cité Chanson ». Revenons au spectacle donné au JMC. Le quartet qui accompagnait Karim Gharbi prenait parfois le dessus sur les paroles des textes. Mais la voix du chanteur était loin d'être l'unique atout de cet artiste difficile à classer dans un genre, tant il s'inscrit dans des registres musicaux et scéniques différents. Il y a aussi son humour trempé, qu'il communique par un choix de textes et de modes expressifs qui vont de la mimique, à une gestuelle théâtrale. Il explore diverses interprétations en jouant de contrastes et de nuances. Comme ces mélodies tristes qu'il interprète à travers des envolées colériques ou encore un texte de Brel chanté sur un air mélancolique, avec des ponctuations de silence qui a chargé son spectacle d'une émotion incomparable. Dans une dernière interprétation, l'artiste a repris le légendaire titre d'Hugues Aufray « Céline ». Sa touche était alors perceptible. L'on goûte ici à des inspirations et influences qui évoquent une nonchalance à la Gainsbourg, une ironie provocatrice, des prouesses vocales originales, de la poésie, beaucoup de poésie. La musique de Karim Gharbi conjugue les genres et communique un énorme travail inlassable de recherche. Un talent à découvrir et à suivre.