La photographie a fait sa révolution avec la Révolution. Qui mieux que le cliché pour témoigner des moments exceptionnels que vit la Tunisie depuis le 14 janvier 2011. Plusieurs expositions se tiennent en ce moment dans différentes galeries de la capitale. Le Club culturel Tahar Haddad propose une exposition de documents et photos autour du leader Habib Bourguiba. La galerie El Makhzen gratifie ses visiteurs d'œuvres photographiques sur le thème du 14 janvier, signées Zied Ben Miled et Haykel Hmima, entre autres. L'Institut culturel italien présente des esquisses et costumes de théâtre de l'opéra de Rome intitulés « La rive sud de la méditerranée dans le mélodrame ». Les rues de Tunis et de certaines villes du pays affichent des photos géantes représentant des portraits de Tunisiens réalisés par de jeunes photographes. « Artocratie » tel est le titre de ce projet artistique original. Jamais la photographie n'a connu une telle dynamique car la Révolution bénéficie actuellement d'une faveur particulière. La Révolution, les sit-in de la Kasbah, les événements de Ras Jedir sont autant de sujets intéressants qui suscitent engouement et passion surtout auprès de jeunes photographes qui étaient sur les lieux et au moment adéquat pour immortaliser l'événement. A une époque pas très lointaine d'avant la Révolution, il était difficile d'imaginer des jeunes s'intéresser à ce mode d'expression tant il était obsolète. La peinture était considérée comme un art majeur alors que la photo était sous-évaluée voire sous-estimée comme art. On la confond souvent à la photo de presse sinon, à la photo de famille. La photo artistique n'a commencé à s'imposer que très récemment. Le réel, le mot est dit. La photo a cette force de reproduire le réel, d'être le témoin d'une situation historique comme la Révolution tunisienne. C'est le regard ou le point de vue qui donne sa dimension au cliché et lui confère un sens surtout si le sujet est unique, exceptionnel comme la Révolution. Colère, joie, violence... sont les différentes expressions que les photographes saisissent parfois à l'insu des personnages. Des instants volés, capturés consciemment ou inconsciemment puis métamorphosés grâce au génie de la technique de reproduction qu'offre aisément le numérique. Parce qu'aujourd'hui c'est le format numérique avec ce qu'il propose comme facilité et confort qui prend le dessus. Fini l'argentique même si on lui reconnaît des qualités incontestables. L'argentique nous donne à rêver et le numérique à vivre au plus près la réalité. L'approche esthétique est autre. L'apogée du premier a accompagné essentiellement le cinéma noir et blanc, glorieuse époque où les stars étaient mythifiées, souvenons-nous de Greta Garbo, Cary Grant, Marilyn Monroe, Humphrey Bogart, James Dean etc. Mais l'argentique a un coût excessif qui n'est pas à la portée de tous et qui exige une certaine formation. Alors que le numérique, il est, de par sa facilité, plus proche de la réalité. Il n'exige pratiquement aucune formation. Il est donc accessible à n'importe qui veut témoigner, archiver, mémoriser. Jamais les photographes ne se sont donné à coeur joie comme lors de la Révolution qu'a connue notre pays. Ils ont photographié à tour de bras participant de la sorte au tournant historique de la Tunisie.