De notre envoyé spécial Ikbal Zalila - Débuts poussifs et ce n'est pas un scoop pour un festival qui commence toujours crescendo. Aujourd'hui c'est le grand hommage à Hollywood avec la projection du dernier opus de l'inénarrable « Pirates des Caraïbes », en compétition officielle s'il vous plaît, comme si la grosse machine hollywoodienne avait besoin des courbettes du plus grand festival de cinéma au monde pour continuer à se déployer. Mais voilà Cannes, c'est Cannes et le « Compromis historique » avec les grands studios américains ne date pas d'aujourd'hui. A l'extrême gauche du spectre politique du cinéma, ces premiers jours nous ont valu un documentaire très instructif de Christian Rouaud, «Tous au Larzac». L'histoire d'un mouvement de résistance paysanne, rejoint par l'extrême gauche française. Depuis 1972, et jusqu'à aujourd'hui, des paysans de l'Aveyron luttent contre un projet d'extension d'un camp d'entraînement militaire qui menace leurs terres. D'un mouvement local, le Larzac se transformera en une des dernières grandes luttes ouvrières et paysannes de l'histoire politique de la France contemporaine. Si le mouvement continue aujourd'hui, il a pris une orientation résolument écologiste avec pour figure de proue, José Bové et son combat anti-OGM . Un film édifiant qui n'aura pas drainé grand monde, les journalistes étant occupés à se préparer psychologiquement au blockbuster américain du lendemain. Et puis, le Larzac , les chèvres, les paysans et les pacifistes hirsutes ce n'est plus sexy. Vivement les premières grandes stars annoncées pour aujourd'hui, pour que les flashs s'en donnent à cœur joie. Les stars sont un peu plus « bottoxées » cette année, c'est le premier signal fort de la rue à Cannes. Il y a les stars et celles qui rêveraient de l'être, celles qui ne le seront probablement jamais mais font comme si c'était encore possible. Et puis, des cas plus pathétiques de visages totalement figés à force d'injections de ce fameux élixir de jouvence. On est loin des chèvres et du Larzac, nous assistons à un progrès décisif de l'humanité, la démocratisation du Bottox, annonciateur de lendemains qui chantent pour l'humanité. Plus prosaïquement, notre Révolution et celle de nos amis égyptiens n'arrêtent pas de nous attirer la sympathie du monde et d'une France qui en sait plus à quel saint se vouer pour rattraper les bévues d'Alliot Marie. Notre Bouzid national a été décoré par Frédéric Mitterrand dans une cérémonie solennelle au cours de laquelle cet ami de la Tunisie, a rendu hommage au cinéaste tunisien et à travers lui, à l'ensemble du cinéma tunisien. Même s'il s'est plié gentiment au rituel, Bouzid n'a pas été dupe en ne pipant un mot de remerciement au gouvernement français. Et c'est avec une certaine impatience que l'on attend le documentaire de Mourad Ben Cheikh, « La khaoufa baada al yaoum » figurant dans la sélection officielle, ainsi que « 18 Jours », le film omnibus réalisé par un collectif de cinéastes égyptiens dont Yosri Nasrallah sur la Révolution égyptienne. Attente fiévreuse mais sans grandes illusions, le cinéma en prise directe sur l'histoire ayant très rarement accouché de chefs d'œuvre impérissables. Mais voilà, il y a cette fierté retrouvée de venir de ce petit pays à l'origine du grand bouleversement que connaît le monde arabe. Et ça personne ne nous l'enlèvera. Ni les chèvres du Larzac, ni le Bottox des divas.