L'explosion que le paysage associatif et militant a connue, en Tunisie, dans le sillage de la Révolution du14 janvier, présente, selon des citoyens, une lacune de taille, à savoir l'absence d'associations des martyrs de la Révolution, de création de musées spécialisés pour conserver les objets et pièces liés à la Révolution et l'édition de publications spécialisées s'y rapportant. Rappeler constamment aux gens et aux citoyens les crimes du passé et les méfaits de la dictature constitue le meilleur moyen de prévenir les dérives et rechutes despotiques, nous ont dit ces citoyens. Les associations des martyrs de la Révolution, les musées spécialisés signalés et les publications seront, ainsi, appelés à assurer cette tâche éminemment citoyenne. La recette est pratiquée, efficacement, dans beaucoup de pays européens qui ont souffert, comme la Tunisie, du joug des régimes despotiques et autoritaires, à l'instar de l'Allemagne subjuguée une fois par la dictature nazie de 1930 à 1945 et une seconde fois par le régime communiste perverti dans l'Allemagne de l'Est, de 1945 à la chute du mur de Berlin et la réunification des deux Allemagne en 1989 et 1990. D'ailleurs, de grands militants des droits de l'Homme et spécialistes allemands de la transition démocratique ont effectué, dernièrement, un séjour en Tunisie et ont présenté, à cette occasion, l'expérience allemande, dans ce domaine, qui a comporté, entre autres, la création de nombreuses associations des victimes de la dictature et des musées spécialisés dans ce domaine, à l'intérieur d'endroits symboliques, comme l'ancien siège de la sûreté de l'Etat et de la police politique à Berlin, connue sous le nom de ‘'Stasi'', et où étaient emprisonnés et torturés les détenus politiques et les opposants au régime. Les autorités allemandes ont transformé le siège de la Stasi en un musée national ouvert au public pour témoigner des crimes du passé aux dépens des droits de l'Homme. A la ville du Kram, dans la banlieue nord de Tunis, qui a enregistré plusieurs martyrs de la Révolution, quelques citoyens ont préconisé la transformation des anciens comités de quartiers en « comités des martyrs de la Révolution ». Sur un complexe à la rue 5 décembre 1952, dans cette même ville, abritant, autrefois, la circonscription municipale, le poste de police et une cellule du RCD dissous, et dont l'intérieur avait été incendié lors de la Révolution, des manifestants avaient spontanément écrit « Comité des martyrs ». Des lieux pareils sont particulièrement indiqués pour abriter les associations des martyrs, les musées spécialisés de la Révolution et les diverses activités de rappel du passé. Les conseils de la Révolution créés dans les villes et les villages du pays peuvent prendre des initiatives dans ce sens. A cet égard, des commentateurs nous ont dit regretter la démolition de l'ancienne prison civile de Tunis, à l'avenue du 9 avril 1938 (Journée nationale des martyrs), à l'initiative de l'ancien régime déchu, car cette prison avait été « un haut lieu » de la violation des droits de l'Homme, en Tunisie, durant l'époque beylicale, sous le protectorat français, et après l'indépendance jusqu'à sa démolition. Grâce à la Révolution, elle aurait pu servir de musée témoignant des crimes du passé commis par des hommes contre l'homme.