Le Temps-Agences- Le régime syrien était soumis hier à des pressions internationales accrues pour stopper la répression sanglante du mouvement de contestation, à la veille d'une nouvelle journée de manifestations à haut risque. La violente intervention de l'armée ces derniers jours dans la ville de Jisr Al-Choughour (Nord-ouest) a provoqué la fuite en Turquie voisine de plus de 1.000 Syriens, dont des blessés qui ont parlé d'agissements brutaux des forces de sécurité contre les habitants sans armes. Mais malgré les protestations, le dépôt au Conseil de sécurité de l'ONU d'un projet de résolution européen condamnant la répression, l'exode des habitants et le nombre élevé de victimes, le régime du président Bachar Al-Assad persiste dans sa volonté d'écraser toute contestation. Selon un militant des droits de l'Homme, au moins 60 camions transportant des chars et des blindés ainsi que plus de 10 véhicules de transport de troupes sont partis mercredi soir de la ville d'Alep en direction de Jisr Al-Choughour, dans la région d'Idleb, à 300 km au Nord de Damas. Un manifestant a été tué et six autres blessés sur la route principale Alep-Idleb alors qu'ils jetaient des pierres sur le convoi, a-t-il ajouté. Les autorités ont menacé de riposter de "manière ferme" à la mort de 120 policiers tués selon elles lundi à Jisr Al-Choughour par des "gangs armés", une version contestée par les opposants et des témoins qui ont nié la présence de tels groupes et affirmé que les victimes étaient mortes lors d'une mutinerie. Quoi qu'il en soit, des analystes n'excluent pas la possibilité d'une guerre civile. Dans l'hypothèse d'une tentative de mutinerie ou de défections, le régime serait "confronté à une rébellion d'ampleur différente", qui pourrait l'amener "à faire usage d'une force encore plus brutale (...) et ce pourrait être le tournant vers une guerre civile", a commenté Mohamad Bazzi, du Centre des affaires étrangères à New York. Entre-temps, la communauté internationale s'efforce de pousser le régime à mettre fin à la répression, qui a fait au moins 1.100 morts depuis le début de la révolte le 15 mars, entraîné l'arrestation de plus de 10.000 personnes et la fuite de milliers d'autres au Liban et en Turquie. A New York, le Conseil de sécurité des Nations unies a commencé à débattre depuis mercredi d'un projet européen de résolution condamnant la répression en Syrie, qui a obtenu l'appui des Etats-Unis. La Russie a répété qu'elle y était opposée. "La Russie (...) est contre toute résolution du conseil de sécurité de l'ONU sur la Syrie", a déclaré un porte-parole des Affaires étrangères. Le pape Benoît XVI est aussi intervenu pour demander au régime de "reconnaître la dignité inaliénable de la personne humaine" et l'a appelé à "tenir compte des insistances internationales" pour des réformes. "La Syrie a traditionnellement été un exemple de tolérance et de relations harmonieuses entre chrétiens et musulmans", a-t-il rappelé. La Syrie est un pays multiconfessionnel. Les sunnites y sont majoritaires, et les alaouites, au pouvoir depuis 50 ans, ont tissé des relations privilégiées avec les chrétiens (7,5% sur une population de 20 millions). De leur côté, les militants pro-démocratie ont appelé à une nouvelle journée de manifestations prévue aujourd'hui, exhortant les tribus à se mobiliser contre le régime du parti unique Baas, qui gouverne le pays d'une main de fer depuis plusieurs décennies. "Les tribus soutiennent tout révolutionnaire. Le peuple veut faire chuter le régime (de manière) Pacifique et sous la bannière de l'unité nationale", affirme la page Facebook de "Syrian Revolution 2011", moteur du mouvement, en présentant la journée comme le "Vendredi des tribus". Depuis le début de la contestation, les militants anti-régime appellent à des manifestations tous les vendredis après la prière musulmane hebdomadaire. Ces rassemblements ont toujours été réprimés, ce qui fait craindre un nouveau vendredi sanglant. Par ailleurs plus de 1.900 nouveaux Syriens fuyant la répression sont arrivés en territoire turc, ce qui porte à quelque 2.500 le nombre de ces ressortissants ayant fui en Turquie, qui a mis en place un imposant dispositif d'accueil et de secours dans la province de Hatay (sud). Le chiffre de 2.500 réfugiés a été annoncé hier soir par le ministre turc des affaires étrangères Ahmet Davutoglu, selon la chaîne de télévision NTV. Ce nombre était de 1.900 plus tôt dans la journée, selon l'agence de presse Anatolie. Les réfugiés sont pris en charge par le Croissant-Rouge, dans un village de tentes à Yayladagi (province de Hatay).