Metteur en scène de théâtre, Slim Sanhaji a parfois prêté main forte à l'organisation du festival de Carthage en tant que régisseur. Cette année, il se voit confier la lourde tâche de la coordination du festival de Hammamet. Il assure l'exécution d'un programme préparé par un comité dont bien entendu il assume les choix. Un budget limité, des contraintes de temps etc. Une session difficile qu'il essaie de gérer comme des oeufs de poule. Le Temps : en quoi la direction du festival international de Hammamet est-elle motivante ? Slim Sanhaji : je préfère parler de coordination générale plutôt que de direction. Un directeur propose un programme mais dans le cas de figure, je ne fais qu'exécuter un programme qui a été préparé par un comité. Le festival de Hammamet est motivant parce que je considère que le centre est comme ma maison. C'est un honneur pour moi d'être au service des artistes. Demain, ils peuvent être eux aussi à mon service. Je me sens donc chez moi avec une tâche réellement juste. *Qu'est-ce qui caractérise cette nouvelle session du festival de Hammamet ? -C'est une programmation qui ressemble à notre pays dans l'état actuel, autrement dit un peu rebelle. A ces artistes qui ne se sont jamais produits sur la scène de Hammamet parce qu'ils étaient interdits. Nous faisons fi de cette fameuse formule « Eljoumhour ayez kida » (le public veut ça). La minorité est à nos yeux importante parce que c'est elle aussi qui a participé à la Révolution. Il n'y a pas de soirées dansantes dans notre programmation organisée en grande pompe par la chaîne Rotana. Ceci dit, il y a un peu de tout et pour tous les goûts. *Certains médias qualifient la programmation des festivals de cet été de «fripe», que leur répondez-vous ? -Ces propos sont graves et dévalorisent les artistes tunisiens. Autrefois, les critères de choix des spectacles étaient basés sur les ventes, les achats et le blanchiment d'argent. Ce n'était pas les hommes de culture qui concevaient la programmation des festivals d'été mais des personnes qui disposaient du pouvoir et de l'argent et utilisaient certains artistes pour le blanchiment d'argent. Ce sont souvent des artistes de Rotana qui étaient invités et faisaient le plein des festivals. Dans les festivals post-révolution ce n'est pas l'argent qui prime. Un artiste comme Lazhar Alaoui qui a été écarté, le programmer à Hammamet est une opportunité de choix. *Les facebookers considèrent que l'argent des festivals aurait mieux servi à la reconstruction d'écoles. Qu'en pensez-vous ? -Je ne suis pas d'accord. Le budget des festivals n'est pas aussi élevé que celui du football. Se rend-on compte qu'un footballeur qui n'a même pas le brevet empoche des milliards pour des prestations qui se font de plus en plus à huis-clos. Si nous avions dépensé de l'argent pour faire venir une grande artiste comme Céline Dion, je comprendrais que ce n'est pas le moment de le faire parce qu'il y a 20% d'usines qui ont fermé. Annuler un festival c'est l'équivalent de trois usines qui ferment. Le secteur artistique fait vivre un grand nombre de familles. *Quel est le budget du festival de Hammamet ? -Je n'ai pas les chiffres car encore une fois ce n'est pas moi qui ai fait les négociations mais le comité. Ce qui est sûr, c'est que les cachets ne sont pas élevés. Certains cachets ne dépassent pas deux milles dinars, ce qui équivaut au smig. *Le théâtre reste la vocation première du festival de Hammamet. En fonction de quels critères a-t-on choisi les pièces ? -Je suis content que Hammamet retrouve enfin sa vocation principale qui est le théâtre et de faire participer des pièces d'auteurs d'un bon niveau. Toutefois, j'aimerais que le festival crée sa propre production. J'espère qu'on en tiendra compte pour l'année prochaine. Propos recueillis par Inès Ben Youssef hind [email protected]