Par Saâdeddine ZEMERLI - La Ligue Tunisienne pour la Défense des Droits de l'Homme (LTDH) vient de tenir début septembre son sixième Congrès. Enfin !!! Lors de la séance officielle d'ouverture, on assiste à un spectacle inimaginable, une première dans la vie de notre association, le Premier ministre Béji CaId Essebssi et le Président de la Ligue Mokhtar Trifi, assis côte à côte, coprésidant la réunion, discutent en toute cordialité des acquis et des perspectives de la LTDH. Spectacle inattendu survenant après dix ans d'attente, depuis le 5ième et dernier Congrès de 2001.La Ligue, chassée de son siège, n'a plus aucune activité. Interdiction lui est faite par les autorités judiciaires d'organiser son 6ième Congrès. Elle est l'objet d'une trentaine de plaintes judiciaires. Ses militants sont menacés, soumis à des tracas administratifs, à des poursuites, parfois à la torture ou à l'emprisonnement. Dès les années 1980, le pouvoir ne supporte plus l'existence d'une organisation indépendante et envisage sa prise en main pure et simple. Pour preuve, je rappellerai trois événements : - en 1985 Bourguiba, contrarié par notre crédibilité, notre autonomie, notre indépendance, commandite la création d'une Association tunisienne pour les Droits de l'Homme et les Libertés, présidée par un ancien ministre de l'Intérieur, le Dr Dhaoui Hannablia. De stricte obédience gouvernementale, elle tombe rapidement en désuétude. Dans la même lignée, Ben Ali, ministre de l'Intérieur multiplie les menaces et les procédures pour empêcher la Ligue de poursuivre ses activités. - le 8 avril 1987, le Ministre de l'Intérieur adresse une lettre à la Ligue critiquant notamment les modalités d'adhésions à la Ligue et demande une modification de ses statuts pour permettre l'adhésion automatique. - en 1992, une modification de la loi sur les associations, qui introduit le "gel des cumuls" et l'adhésion d'office vise tout spécialement la Ligue, et entraîne sa première dissolution. Néanmoins, cette réalisation s'avère difficile sinon impossible. D'abord, la Ligue, qui s'est imposée par sa crédibilité, occupe une place importante dans la vie sociale, associative et politique en Tunisie. Ensuite l'existence d'une association indépendante de Défense des Droits humains constitue un critère de démocratisation d'un pays dans les évaluations onusiennes du développement humain. Enfin la Ligue connaît sur le plan international une réputation bien établie, affirmée depuis 1979 et pendant 27 ans par la présence d'un vice-président tunisien au sein de la FIDH (S.Zmerli, K.Chamari, S.Belhassen), couronnée par l'élection de SouhaIr Belhassen à la Présidence de cette organisation, devenue l'une des plus grandes associations internationales de Défense des Droits humains. Nos jeunes militants ont compris le message et l'action des anciens et notamment de ceux qui nous ont quittés: Hassib Benamar, Hachemi Ayari, Fadhel Ghedamsi, Dali Jazi, Mohamed Charfi et Hichem Gribaa à qui J'adresse une pensée émue. Tous souhaitaient que la LTDH poursuive, avec constance et liberté, la protection et le respect des Droits. Tous ont su préserver l'existence et l'indépendance de la Ligue Depuis 20 ans, avec foi, enthousiasme et courage, agissant dans des conditions difficiles nos militants ont permis la survie de la Ligue et sauvé sa crédibilité et son indépendance. Ils ont été récompensés par notre révolution ; le 14 janvier 2011 la Ligue a récupéré d'un coup ses droits. Elle peut désormais s'exprimer et agir dans un climat balayé des menaces et des interdits d'antan, marqué par la liberté d'expression, la multiplicité des partis. Aujourd'hui, nous devons la réussite de ce VIème Congrès à l'action et au comportement des défenseurs des Droits de l'Homme. Une foi s de plus c'est à travers des élections libres et transparentes que viennent d'être élus les membres du comité directeur. Elles mériteraient d'être prises en exemple dans tous les processus électoraux du pays.