Tawakkol Karman dédie son Nobel au «Printemps arabe» Le Temps-Agences- Le Nobel de la paix a été attribué hier à trois femmes: la présidente libérienne Ellen Johnson Sirleaf et sa compatriote Leymah Gbowee qui ont extirpé leur pays de la guerre civile, et la Yéménite Tawakkol Karman, figure emblématique du «printemps arabe». Les trois lauréates sont conjointement récompensées «pour leur lutte non-violente en faveur de la sécurité des femmes et de leurs droits à participer aux œuvres de paix», a déclaré le président du comité Nobel norvégien, Thorbjoern Jagland. Première femme démocratiquement élue à la tête d'un pays africain en 2005, Mme Sirleaf, 72 ans, a œuvré à la reconstruction d'un pays ravagé par 14 ans de guerres civiles, qui ont fait quelque 250.000 morts et laissé une économie exsangue. Cette «Dame de fer», comme elle est surnommée, reçoit le Nobel quatre jours seulement avant une élection présidentielle incertaine au cours de laquelle elle brigue un second mandat, ce qui suscite une controverse au Liberia. «C'est un prix pour tout le peuple libérien», a réagi l'intéressée, très populaire à l'étranger mais beaucoup moins consensuelle dans son pays, où on lui reproche de ne pas avoir rempli ses promesses en matière économique et sociale et de ne pas avoir suffisamment fait pour la réconciliation nationale. Son accession au pouvoir a été rendue possible par le travail sur le terrain de Leymah Gbowee, «guerrière de la paix», à l'origine d'un mouvement pacifique qui contribuera, notamment à l'aide d'une «grève du sexe», à mettre fin à la deuxième guerre civile en 2003. Lancée en 2002, l'initiative originale de cette travailleuse sociale de 39 ans voit les femmes -toutes confessions religieuses confondues- se refuser aux hommes tant que les hostilités se poursuivent, ce qui oblige Charles Taylor à les associer aux négociations de paix peu avant sa chute. Fondé en 1822 par des esclaves noirs affranchis venus des Etats-Unis, le Liberia connaît toujours une paix fragile du fait de vives tensions ethniques et de la présence de mercenaires difficilement délogeables. Première Arabe Nobel de la paix La troisième lauréate, Tawakkol Karman, journaliste de 32 ans, est une figure emblématique du soulèvement populaire au Yémen, pays conservateur où les femmes ne jouent pas de rôle de premier plan en politique. Elle a dédié son prix Nobel de la paix aux militants du «Printemps arabe, se disant «heureuse et surprise» de l'avoir obtenu. «Il s'agit d'un honneur pour tous les Arabes, les musulmans et les femmes. Je dédie ce prix à tous les militants du Printemps arabe», a déclaré la jeune femme, l'une des icônes du mouvement de protestation populaire au Yémen, à la chaîne d'information arabe Al-Arabiya, basée à Dubai. «Je suis très heureuse (...) je ne m'attendais pas à recevoir ce prix et je ne savais même pas que ma candidature avait été posée», a-t-elle encore dit. Fondatrice du groupe «Femmes journalistes sans chaînes», cette jeune femme frêle, mère de trois enfants, a été un des principaux meneurs des manifestations estudiantines de janvier qui ont donné le coup d'envoi au soulèvement, ce qui lui valut d'être brièvement arrêtée.