Les journalistes ont porté, hier, le brassard rouge pour protester contre les atteintes à leurs droits matériels et moraux et attirer l'attention de l'Assemblée Constituante sur la situation «déplorable» de leur corporation. Ce mouvement de protestation organisé par le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) a été largement suivi dans les diverses entreprises de presse. « Les journalistes ont répondu massivement à notre appel pour exprimer leur indignation face à la situation pitoyable de la corporation à l'heure où la Tunisie négocie une délicate transition démocratique», a affirmé Néjiba Hamrouni, présidente de la SNJT, indiquant que «les vents de la révolution n'ont pas encore soufflé sur les médias qui devraient pourtant constituer la pierre angulaire de toute démocratie». Selon elle, les journalistes se sont notamment révoltés contre les «violations de leurs droits les plus élémentaires perpétrées récemment par des responsables d'entreprises de presse, notamment dans le secteur privé». Mme Hamrouni mentionne particulièrement les «dépassements» commis par le propriétaire de la chaîne privée Hannibal TV qui vient, selon elle, de résilier abusivement les contrats de travail d'un certain nombre de journalistes. En réaction à ces accusations, la direction de Hannibal TV a dénoncé la position de la présidente du syndicat, l'accusant de «chercher à porter atteinte à la chaîne en incitant ses journalistes à observer des sit-in». Constitutionnaliser la liberté de la presse Outre le cas de Hannibal TV, le SNJT vient de publier un communiqué dans lequel il attire l'attention des autorités sur les «multiples atteintes visant l'indépendance et la neutralité du secteur de l'information», dont notamment les «tentatives de certaines parties politiques d'imposer une nouvelle tutelle au secteur et de l'instrumentaliser à des fins politiques». Le principal syndicat de la presse en Tunisie dénonce également «la propension de certains partis politiques et lobbies financiers à prendre en otage certaines entreprises de presse en exploitant le vide juridique et législatif dont elles souffrent», citant notamment le cas de la Radio religieuse Zitouna. Le SNJT a condamné, en outre, dans son communiqué, les menaces et les agressions contre les journalistes pendant l'accomplissement de leurs fonctions. Il a évoqué, entre autres, le cas d'un journaliste taxé récemment d'apostasie et des agressions physiques et verbales contre les correspondants de la chaîne qatarie Al-Jazeera et de la chaine privée tunisienne Al-Hiwar El-Tounsi (Le Dialogue Tunisien). Le syndicat , qui regroupe près d'un millier de journalistes possédant la carte professionnelle, a, par ailleurs, demandé à l'Assemblée nationale constituante et au prochain gouvernement d'inscrire le principe de la liberté de la presse, de l'expression et de la création dans la future Constitution, tout en précisant qu'il se réserve le droit de recourir à tous les moyens légaux de protestation pour défendre la liberté de la presse et la dignité des journalistes.