Une trentaine de films français voyaient la semaine dernière, leur sortie en salle menacée par la faillite du laboratoire Quinta Industries spécialisé dans la production des œuvres cinématographiques. Finalement, ce sont plus de soixante longs-métrages qui sont concernés par cette affaire, c'est-à-dire plus du quart de la production pour l'année 2012. Un paradoxe alors que le cinéma français ne connaît en principe pas la crise. Le compte à rebours est lancé pour 16 films français qui doivent sortir en salle dès le mois de janvier 2012. Seize longs-métrages actuellement stockés dans les entrepôts ou sur les ordinateurs de la société Quinta Industries menacé d'une liquidation judiciaire. Il faut dire que le groupe est un acteur incontournable de l'industrie cinématographique. Avec ces diverses filiales, le laboratoire intervient lors de la postproduction des films. C'est-à-dire toute la partie qui se fait après le tournage qui comprend notamment les effets- spéciaux (société Duran) ou encore le tirage et le stockage de copies argentiques (société LTC) nécessaires pour une diffusion dans les salles qui ne sont pas encore équipées en numérique. Pour toute l'année 2012, c'est donc près du quart de la production cinématographique française qui est concernée. Cela représente « entre 400 et 450 millions » d'euros de valeur précise Thierry de Segonzac, le président de la Fédération des industries du cinéma. Pour l'instant, seuls six films ont trouvé une issue favorable à cette crise, le sort des autres, reste en suspens. Les institutions sont mobilisées et notamment le Centre national du cinéma (CNC). « On est assez confiant dans la capacité, dans les jours et les semaines qui viennent, de pouvoir trouver de solutions », explique son président Eric Garandeau. L'évolution numérique En cause, le passage des salles de diffusion au numérique peut expliquer en partie la faillite de Quinta Industries. Il faut savoir que la France est très en pointe en termes d'équipement. Actuellement, 58% des salles peuvent accueillir de la projection numérique. Et les ambitions sont grandes puisque d'ici un an ce chiffre devrait frôler les 100%. Or, une des principales activités de ces labos de postproduction, c'est justement le tirage de copies argentiques. Il peut y en avoir des centaines par long-métrage qui sont stockées avant d'être envoyées dans les salles à destination du public. Des copies qui seront bientôt inutiles et dont le nombre diminue chaque année comme autant de manque à gagner pour les laboratoires. La guerre des labos Des laboratoires qui n'ont pas hésité, ces dernières années, à se livrer à une concurrence féroce qui a laissé des traces. Pour continuer à survivre avec l'arrivée du numérique les deux leaders du marché (LTC de Quinta et Eclair) se sont lancés dans une guerre des prix. Une logique qui a finalement conduit la société Quinta à perdre de l'argent. Pour sauver les meubles, Tarak Ben Ammar, le propriétaire de LTC, a bien essayé de se rapprocher de son principal concurrent. « Mais Bercy (le ministère de l'Economie et des Finances) a voulu imposer moult conditions, notamment plafonner toute hausse des tarifs et maintenir une concurrence commerciale entre les deux laboratoires, explique Tarak Ben Ammar. Ces conditions faisaient perdre tout leur intérêt à cette fusion ». Finalement, la disparition probable de la filliale LTC de Quinta va laisser son conçurent Eclair en situation de quasi-monopole. Une année de record qui se termine mal Une situation étonnante alors que l'industrie du cinéma hexagonal, au moins en termes de chiffre, se porte bien. Cette année, elle a sans conteste su trouver son public à la fois en France mais aussi à l'étranger avec des cartons comme Rien à déclarer (plus de 8 millions d'entrées) ou Intouchables (déjà 15 millions). Le nombre total d'entrées devrait avoisiner les 210 millions, 4 millions de plus qu'en 2010 qui avait déjà été un excellent cru. Reconnaissance du public, reconnaissance professionnelle aussi avec des films comme The Artist, film muet avec dans le rôle principal Jean Dujardin, nommé six fois aux Golden Globes, l'avant chambre des Oscars aux Etats-Unis. Les budgets de production ne sont pas en reste non plus. Près de 200 films français sont sortis en 2011 et trois d'entre eux ont eu un budget supérieur à 30 millions d'euros, de quoi rivaliser avec les productions américaines. Difficile d'imaginer donc qu'un acteur majeur de l'industrie puisse, dans cette dynamique, être en mauvaise posture. (RFI)