Le militant de gauche et écrivain Gilbert Naccache s'est alarmé de la récente fusion parrainée par Mansour Moalla de treize partis issus du Parti Socialiste Destourien de Bourguiba et du Rassemblement Constitutionnel Démocratique (RCD) de Ben Ali, estimant que « les destouriens, anciens ou nouveaux, n'ont pas de place dans le nouvel espace politique ». Ancien membre actif du groupe de gauche «Perspectives» emprisonné sous le règne de Bourguiba, l'auteur du roman carcéral «Cristal» a également noté que les partis destouriens représentent la contre révolution. «Les destouriens, anciens ou nouveaux, n'étaient plus un parti depuis longtemps, s'étant transformés, au mieux en une composante spéciale et hors légalité de l'appareil d'Etat, au pire (mais avec eux c'est toujours le pire), ce qui n'est pas exclusif de la première forme, au contraire, en une organisation de malfaiteurs rackettant sans merci tous ceux qu'ils pouvaient terroriser. C'est contre eux que le peuple s'est élevé, et il sait bien, le peuple, qu'ils représentent la contre-révolution », a-t-il noté dans une déclaration intitulée «Langage et contre-révolution ». Gilbert Naccache estime, d'autre part, que l'ancien Premier ministre provisoire Béji Caïd Essebsi n'a fait tout au long de son mandat que préparer le retour des destouriens sur le devant de la scène. « Béji Caïd Essebsi a été la version soft de Mohamed Ghannouchi, mais son rôle était le même : permettre aux destouriens de revenir sur la scène politique malgré la fureur du peuple contre eux .Il a préparé des élections de manière à arriver à un résultat tel qu'il y ait une grande confusion, des échecs dans tous les domaines, surtout en ce que le mode de scrutin a permis l'élimination des jeunes de la révolution qui se sont abstenus, mais il y a beaucoup d'autres choses, comme l'encouragement à la prolifération de partis politiques... Il a même préparé pour ses successeurs inexpérimentés et dépassés, la vingt-quatrième loi des finances de Ben Ali ! Il a favorisé tout ce qui pouvait renforcer la peur des citoyens, leur méfiance réciproque », », souligne-t-il. Et d'ajouter : «espérons que l'on se rappellera ce qu'était cet homme de la répression (6 ans ministre de l'Intérieur après Taïeb Mehiri, après surtout que Bourguiba ait supprimé toutes les libertés !), qui a permis la reconstitution du RCD honni, reconstitution à laquelle apporte sa touche Mansour Moalla, ce baron du bourguibisme, qui montre ainsi l'incapacité des hommes d'argent tunisiens à imaginer pour eux-mêmes un rôle déterminant, qui ne soit pas celui des quémandeurs de l'assistance de l'Etat du parti unique, du RCD, pour continuer leurs activités ». Gilbert Naccache précise, par ailleurs, que le procédé à travers lequel s'effectuera le retour des destouriens sur le devant de la scène consiste à créer une douzaine de partis distincts et les réunir plus tard en un seul parti destourien qu'on présente comme «centriste». Il estime, dans ce même cadre, qu'il serait très dangereux que des partis politiques qui se réclament des objectifs de la révolution se laissent piéger. « Cela pourrait laisser entendre que, comme cela a pu se produire dans le passé, que les destouriens sont tentés par une alliance avec les véritables forces du passé, au nom de la lutte contre l'obscurantisme. On sait où cela peut mener. Et la société civile saura tirer les conclusions des compromissions des uns et des autres », indique-t-il.