« L'avenir de l'homme, c'est la femme Elle est la couleur de son âme » Aragon A toutes les femmes révolutionnaires qu'on voudrait museler, ensevelir sous le linceul de la honte et des ténèbres; à toutes celles qu'on voudrait exciser, mutiler, dont le corps est écartelé, objet de convoitise et de honte, toutes celles qui sont bâillonnées, enfermées dans la nuit interminable du mutisme; à toutes celles qui sont dominées, asservies, assujetties; à toutes celles dont les plaintes et les gémissements sont étouffés, toutes celles victimes de sexisme, chez elles, au travail par des patrons exploiteurs qui profitent d'une main d'œuvre fragile, démunie et inconsciente; à toutes celles qui sont discriminées dans la société par des ignorants qui cherchent à les rabaisser, à celles qui sont violées et violentées par des barbares inhumains ; à vous, les petites-filles de reines bâtisseuses de cités prestigieuses, vous les descendantes de savantes réputées, égales d'érudits éclairés, à vous les héritières d'exégètes célèbres, à vous, les filles de poétesses, à vous qui ciselez le verbe, vous qui pétrissez les mots, scandez les rimes, enfantez et chantez la liberté ; à vous les rebelles qui dénoncez la domination, l'assujettissement à des idéologies rétrogrades qui aimeraient vous réduire à l'esclavage ; à vous qu'on voudrait avilir, vous considérer comme des êtres mineurs et dépendants ; à vous qu'on voudrait aveugles muettes et laides ; à vous qu'on aimerait cacher, enfermer, enterrer vivantes ; à vous dont le corps est l'objet de toutes les batailles, qu'on voudrait momifier, le couvrir du voile de l'humiliation ; à vous les citoyennes libres qui vous battez contre l'aveuglement, contre les forces des ténèbres, contre les conservateurs, les fanatiques, les fomentateurs de la discorde, vous qui vous soulevez contre les « nouveaux prophètes », les prêcheurs de la honte aux discours enflammés et méprisants, à l'argumentaire fallacieux et indigne ; à vous toutes qui tremblez pour le devenir d'une révolution en péril, vous qui vous interrogez, vous dont les certitudes vacillent de jour en jour, vous qui refusez que le rêve sombre et que l'hiver se prolonge, vous qui redoutez un dessein politique inquiétant; vous qui tremblez pour vos filles et vos petites-filles menacées d'un linceul, vous qui frissonnez à l'idée que des scénarios tragiques ne se reproduisent sur votre terre bénie, à vous qui craignez des fêlures sociales, des lendemains venteux et tumultueux, vous qui contestez l'arbitraire, qui condamnez l'injustice, qui vous vous soulevez contre les discours creux, les tentatives d'intimidation, qui protestez contre ceux qui cultivent la peur pour vous soumettre et vous dominer ; à vous les citoyennes libres que personne ne plie, vous les artisanes des printemps éternels, vous les pourvoyeuses de vie et de libertés, vous qui vous vous mobilisez pour défendre les valeurs fondamentales : égalité, mixité, laïcité et exigez que vos acquis soient maintenus et vos droits élargis, vous les tisseuses d'espérance, vous qui battez le pavé pour faire jaillir la lumière et que la liberté prenne son envol, « femmes, c'est vous qui tenez, entre vos mains, le salut du monde. » Tounès THABET