«La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi» : Article 11 de la Déclaration française des droits de l'Homme et du citoyen de 1789.
Pour la cinquième journée consécutive, le personnel de Dar Assabah poursuit son sit-in dans les locaux de l'institution.
En ce premier jour du mois de septembre, journalistes et techniciens de la plus vieille institution journalistique indépendante tunisienne, ont manifesté devant le siège de leur journal. Les slogans et banderoles affichés résument le ras-le-bol du personnel de Dar Assabah quant à la nomination de Lotfi Touati à la tête du journal et aux premières décisions qu'il a prises depuis qu'il a intégré son poste.
Les premiers faux pas de Touati
Effectivement, première décision, il n'a pas hésité à limoger, par une simple note de service et sans crier gare, un des rédacteurs en chef du journal Assabah, Jamel Bouriga en réponse à sa participation à la manifestation du personnel de Dar Assabah à la Kasbah, le 22 août dernier. Cette décision a eu un impact direct sur le personnel de Dar Assabah. La tension était à son comble et on décida de faire publier une motion dans laquelle ils réitèrent leur refus du nouveau directeur à la tête du journal et les ordres restrictifs qu'il commençait à donner.
Second faux pas. il intervient et refuse que la motion soit publiée, glisse un papier dans la main du directeur pre-presse, dans lequel il le menace de poursuites administratives s'il n'exécute pas ses ordres. Les journalistes, techniciens et personnel de l'imprimerie tiennent bon. La motion est publiée. Touati s'enfonce encore plus. On était à 17 mille exemplaires imprimés quand, accompagné d'un huissier notaire, il donne l'ordre aux imprimeurs d'arrêter de suite l'impression, change la Une du journal et remplace la page 3 par une publicité.
Devant le siège de Dar Assabah, des policiers civils et deux voitures policières sillonnaient le siège du journal.
«Nous n'avons qu'une liberté : la liberté de nous battre pour conquérir la liberté... », Henri Jeanson
Le lendemain, indignés, le personnel de Dar Assabah, apprend la nouvelle. Les pertes sont estimées à 40 mille dinars et la motion a été tout bonnement censurée ! Déterminés, ils passent la nuit au journal, impriment la motion et rajoutent un communiqué dans lequel ils dénoncent la présence policière devant le journal comme moyen d'intimidation.
Il aurait oublié qu'une fois émancipée, une plume ne saurait s'arrêter et que les langues qui se sont déliées le lendemain du 14 janvier ne seront plus enchaînées.
La révolution médiatique en Tunisie est entamée, Dar Assabah le prouve. Nul doute, la lutte continue. Hier, le personnel des trois journaux l'a prouvé : la manifestation à laquelle était présente une centaine de personnes en est la meilleure preuve. Confrères, consoeurs, politiciens de Gauche ou de Droite, citoyens, société civile ont rejoints le rassemblement, partager cette lutte et soutenir la liberté d'expression contre toute mainmise sur les médias. A ce beau monde, nous notons l'arrivée des policiers. Deux voitures ont ouvert le bal sur l'allée principale qui mène au journal. Civils ou en tenue, ils attendaient les ordres. Quel genre d'ordre pourra-t-on se demander ?
«Ma plume n'est pas à vendre», «A bas la censure», «Touati dégage !», «Ni Gauche, ni Droite, Assabah est indépendante», « Non au contrôle policier sur les médias !» ont fredonné les journalistes. A leurs voix s'ajoutèrent celles des présents venus en nombre épauler le personnel de Dar Assabah. Tous ensemble, ils étaient venus rappeler que la liberté d'expression est l'un des piliers fondamentaux de la démocratie et qu'une presse politisée est une presse mensongère et hypocrite.
Plusieurs figures emblématiques du paysage médiatique, sportif, culturel ou encore politique étaient là. Nous citerons l'exemple de Maya Jribi, Om Zied, Ibrahim Gassas, Lotfi Abdelli, Ridha Akecha, Anouar Haddad, Yassine Ibrahim ou encore Said Aïdi, Taoufik Jebali, Mongy Ouni, Houda Chérif, Fehim Boukadous, Bochra Ben Hmida, Nadia Châabane .
Au terme du rassemblement, les journalistes de Dar Assabah ont tenu à inviter les présents à faire le tour cérémonial du journal leur montrant le tour que faisaient les policiers le soir où Touati les a invités en renfort. Scandant l'hymne national, le personnel de Dar Assabah a ressassé les mêmes revendications. Le sit-in n'a encore pas touché à son terme. La lutte continue. Demain, le rendez-vous est donné devant l'ANC.