Les régions saignées aujourd'hui sont les régions les plus défavorisées sur le plan des investissements et de l'emploi* Loin des savants calculs politiques et des conflits gangrénant les inter-partis qui risquent, si ça continue, de plonger le pays dans une guerre fratricide sans merci, les douloureux événements qui ensanglantent aujourd'hui Siliana, amènent à nous soucier et nous interroger sur les avatars économiques et sociales, qui ont poussé à l'enclenchement de cette houle grondante qui pourrait dégénérer en sédition ayant l'air d'une « contrerévolution » comme laissent entendre d'une façon irréductible le parti au pouvoir et certains membres de l'ANC. Ces derniers n'hésitaient pas hier dans une séance plénière au sein de l'Assemblée de jeter le trouble et de rabaisser davantage le débat pour se contenter à s'accuser mutuellement et à poursuivre sans scrupule aucun la course effrénée vers le pouvoir.
Loin de toute idée d'attiser encore plus le feu sans avoir l'intention de crucifier la cendre, le développement régional est aujourd'hui une illusion perdue et reste lettre morte. Près de deux ans après la Révolution, les régions démunies les plus défavorisées croupissent encore sous le joug de la misère. Et rien d'étonnant dans tout cela puisque, le schéma de développement esquissé par Ben Ali n'a pas changé. Chiffres à l'appui, le bulletin de conjoncture mensuel publié par le ministère de l'Industrie atteste le creusement des inégalités régionales. D'ailleurs, les régions qui vivent aujourd'hui même, sous le tempo de la rébellion dont Siliana, Sfax, Sidi Bouzid et Gafsa, sont les régions qui ont connu une dégringolade du volume des investissements déclarés, du nombre de projets créés et des emplois et ce en se référant aux statistiques du ministère de l'Industrie au cours des 10 premiers mois 2012. En effet, durant la période de référence, les investissements déclarés dans les zones de développement régional connurent une baisse de 12,5% avec une enveloppe d'investissement de 1260,3 MDT. Ainsi, Sfax, Jendouba, Sidi Bouzid et Siliana figurent sur la liste des régions qui ont enregistré une chute libre en matière d'investissements déclarés. Les régions de l'Ouest demeurent toujours déshéritées. Les investissements déclarés à Siliana ont connu une baisse de 44,5% en valeur et de 41,8% en matière de nombre de projets créés. S'agissant de l'emploi, 558 emplois ont été déclarés au cours des 10 premiers mois 2012 contre 1657 emplois générés durant la même période de l'année antérieure.
12 régions sur 24 virent au rouge A Tozeur, on note la baisse de 60,3% des investissements déclarés et de 81,3% des emplois. Pour Sfax, les emplois et les investissements déclarés dans le secteur secondaire ont enregistré respectivement une baisse 20,8% et de 41,1%. Les cas du repli des investissements déclarés concernent également les régions de Béja(-27,5%), Ben Arous (-8,3%), Gafsa (-9,4%), Jendouba(-38,8%), Kairouan (-24,5%), Kasserine (-26,7%), Manouba(-37 ,5%), Sidi Bouzid (-30,2%) et Tunis(-2,4%). Par ailleurs ; les volumes d'investissement les plus conséquents ont touché les régions de Sousse, Zaghouan et Gabès. Il faut dire que la perle du Sahel n'a point perdu de son charme puisque le volume des investissements déclarés dans la région a enregistré un taux de croissance de 228,9% et ce en dépit de la baisse du nombre de projets créés.
En conclusion, les chiffres sus-indiqués dénotent la fragilité de la situation économique et sociale dans les zones de développement régional. Loin de raisonner et de vouloir enfin se pencher sérieusement sur les problèmes de fond des régions défavorisées et de tracer un nouveau modèle de développement, les politiciens : partis au pouvoir et opposition s'entremêlent les pinceaux dans de sombres tablettes de calculs politiques et l'ANC devient malheureusement une « arène » de règlements de comptes où les constituants déversent leurs courroux dans des disputes indignes pour les élus du peuple. Yosr GUERFEL AKKARI
*(D'après les statistiques du bulletin de conjoncture du ministère de l'industrie tunisienne)