Le Temps-Agences - En proposant mardi un vaste plan de réformes économiques avant la réunion à Paris des pays donateurs, présenté comme une "dernière chance" pour sauver le pays, le Premier ministre libanais a sonné l'alarme, mais son message a été rejeté par l'opposition. Alors que la précédente conférence consacrée au sauvetage financier du Liban --qui a également eu lieu à Paris en 2002 --contre des promesses de réformes de l'économie jamais concrétisées, M. Siniora a averti que l'occasion de sauver le pays de la catastrophe "pourrait cette fois ne plus jamais se présenter". Et tandis que le pays est plongé dans une profonde crise politique et gouvernementale, il a souligné la nécessité d'obtenir une aide financière lors de la conférence prévue le 25 janvier, faute de quoi "l'endettemment public pourrait encore grossir mettant l'économie en grand danger". Les réformes ne devraient pas être "remises en cause par des différends politiques", a-t-il dit. M. Siniora a révélé que les échéances de l'Etat en 2007 et 2008 au titre de l'endettement est de 16 milliards de dollars. Le pays est écrasé par une énorme dette de 41 milliards de dollars, soit environ 200% du PIB, et la croissance a été négative en 2006 pour la première fois depuis cinq ans. Dans un appel voilé à l'opposition, M. Siniora a souligné que "la crise économique touche tout le monde, loyalistes et opposants" au gouvernement. Le plan de réformes de M. Siniora est prévu pour s'étaler sur cinq ans afin de tenir compte de son coût social notamment. Destiné à encourager la reprise de la croissance et des investissements, ce plan prévoit notamment des réformes sociales, financières (hausse du taux de la TVA), et la privatisation de secteurs comme le téléphone mobile, celle "progressive de l'électricité qui coûte un milliard de dollars" par an à l'Etat et a coûté 20% des recettes du trésor en 2006, et de la compagnie d'aviation nationale Middle East Airlines (MEA). Mais signe des difficultés à venir, le secteur de l'électricité dépend du ministre de l'Energie Mohammad Fneich, qui appartient au Hezbollah et qui a démissionné à la mi-novembre du gouvernement avec cinq autres ministres pro-syriens. Ce projet, qui doit être voté aujourd'hui même par le gouvernement, est soutenu par les pays occidentaux et arabes pétroliers, qui appuient le cabinet Siniora, engagé dans un bras de fer avec l'opposition. Les Occidentaux espèrent faire de cette conférence un facteur de la stabilisation du Liban. M. Siniora, qui s'est acharné à démonter les éventuels contre-arguments de l'opposition, a insisté sur le fait qu'aucune condition politique n'était attachée à ce programme. "Une situation économique saine est nécessaire pour atteindre nos objectifs nationaux et politiques", a-t-il dit. Mais l'opposition menée par le Hezbollah ne l'entend pas de cette oreille. "La réussite de la conférence de Paris nécessite un gouvernement d'union qui bénéficie de la confiance des Libanais, ce qui n'est pas le cas du gouvernement Siniora entaché par la corruption", a aussitôt déclaré le député chrétien le général Michel Aoun, allié du Hezbollah. La télévision du Hezbollah Al Manar a indiqué que le "gouvernement Siniora semble pressé de tenir la conférence de Paris bien qu'il ait perdu la légitimité constitutionnelle, et le soutien populaire pour mener à bien son programme de réformes qui se caractérise par de nouvelles taxes et des mesures qui affectent négativement le citoyen". La presse libanaise, proche de l'opposition, s'en est prise à M. Siniora qui, selon le journal As Safir, "s'illusionne et illusionne l'opinion publique en agissant comme s'il n'y avait pas de problèmes".