La 6ème édition du Festival d'Oran du film arabe (FOFA), a été clôturée samedi 22 décembre 2012. Oran, ville de la Méditerranée, au nord-ouest de l'Algérie, calme, propre et nantie d'un un très beau paysage. Le Festival s'est imposé comme un rendez-vous obligé des cinématographies du monde arabe auxquelles il est dédié. Cette 6éme édition connait comme les précédentes une présence tunisienne forte. Après le prix du meilleur scénario lors de la 24ème session des JCC, « Le Professeur » vient de décrocher encore une fois le prix du meilleur scénario lors de la 6ème édition du Festival d'Oran du film arabe. Durant cette manifestation, le prix du public du meilleur documentaire a été décerné à « Préhistoire de la Tunisie» de Hamdi Ben Ahmed et le prix du meilleur acteur, attribué à Hichem Rostom pour son rôle dans “La cinquième corde", un film marocain de Selma Bargach. Les Algériens et le public du monde arabe sont convaincus du potentiel et des qualités des films tunisiens, d'ailleurs, ils attendaient avec impatience la projection des œuvres tunisiennes durant le festival. Pour cette édition, le film "Le Professeur" n'est pas passé inaperçu. Après la projection, l'assistance a beaucoup applaudi. Plusieurs cinéphiles sont venus féliciter Mahmoud Ben Mahmoud pour sont 4ème chef d'œuvre. Les participants ont même exigé une conférence de presse pour parler davantage avec le réalisateur. "Le Professeur", sorti officiellement le 12 septembre 2012 dans les salles de cinéma, ne cesse d'impressionner le public. Il reflète les évènements de l'année 1977. Une année qui marque la création de la première Ligue Tunisienne de Défense des Droits de l'Homme (LTDH) en Tunisie et en Afrique. Une année qui reproduit la crise syndicale et politique qui a éclaté entre l'UGTT et le gouvernement de Bourguiba. L'année 1977 coïncide avec l'éclatement des tensions autour du bassin minier de Gafsa. Mahmoud ben Mahmoud nous fait revivre une période agitée et mouvementée de la Tunisie, comme si nous vivions la période Ben Ali. D'ailleurs, Mahmoud ben Mahmoud affirme que tous les gens qui ont vu le film et surtout l'équipe de tournage, n'ont pas cessé de dire que le film n'est qu'une projection des blessures subies par le citoyen, sous le régime de Ben Ali, un régime de tortures, de prise en otage de la liberté d'expression. Mahmoud Ben Mahmoud, avoue qu' " à travers ce film, j'ai mis le doigt sur des blessures collectives, des souffrances de 23 ans de dictature. "Le Professeur" n'est pas une défiguration, ni une attaque contre le régime de Bourguiba, mais une tentative d'être juste vis à vis de l'histoire en général et celle de notre pays en particulier. L'année 1978 a soufflé le chaud et le froid. C'est une période qui a été occultée dans les manuels scolaires. Les jeunes ne savent rien de cette période de la Tunisie et c'est inacceptable pour moi." Un homme cultivé, calme, égal à lui- même, sérieux et attentionné, poète de l'image, Mahmoud Ben Mahmoud est formé à l'école belge du cinéma dans les années 1970. Il enseigne l'écriture du scénario à l'Université libre de Bruxelles depuis 1988. Il est l'auteur de plusieurs documentaires dont un long métrage ''les Mille et une voix'' et de trois films de fiction: ''Traversées'' (1982), ''ChichKhan (1992) et ''Les siestes grenadines'' (1999), tous primés dans divers festivals internationaux. Au cours du festival, Mahmoud ben Mahmoud s'est exprimé sur la réalité du cinéma dans le monde arabe. Il avoue que les problèmes et les contraintes sont communs dans le grand Maghreb. Après la Révolution du 14 Janvier 2011, les films documentaires ont profité le plus, puisque le film documentaire ne nécessite pas de grands moyens financiers en comparaison avec le long métrage. Le film documentaire échappe à la censure qui l'a freiné pendant 23 ans de dictature. Nous, Tunisiens, sommes surpris devant le nombre de documentaires nés sur la scène. En Tunisie, nous constatons une dégradation du secteur de distribution et d'exploitation de films. Seules 13 salles sont encore opérationnelles sous nos latitudes, et nous sommes confrontés au problème majeur du piratage. Les participants au festival ont mis l'accent sur les problèmes du film arabe qui souffre de l'absence du marché arabe, de la volonté politique et de la volonté des réalisateurs, de la langue, de la distribution, des salles.etc. Tous sont convaincus de la nécessité de se rapprocher culturellement entre Maghrébins. Au niveau artistique, il n'existe pas de frontières. En témoignent les coproductions qui ont lieu entre les pays du Maghreb. Selon Mahmoud Ben Mahmoud, "En Tunisie, le cinéma doit entamer la bataille du scénario. C'est le maillon manquant. Tout projet de réforme doit viser la problématique du scénario comme priorité". Durant le festival, les participants ont affirmé que "Le réalisateur doit chercher de nouvelles conditions qui vont avec les besoins du public arabe. Il faut construire des ponts de communication et des liens d'échanges, ouvrir de nouveaux horizons et surtout collaborer entre les différentes législations du Maghreb". Il est à rappeler que l'Algérie est le seul pays qui a soutenu et financé des films arabes et autres sans contre partie, étant donné que les législations algériennes le permettent. Mahmoud Ben Mahmoud est actuellement à Gabès, pour assurer des ateliers de workshops sur le scénario : « comment passer de l'écriture littéraire au scénario d'un film ? ». Le Professeur sera présent en marge des Journées du documentaire de Douz qui se tiendront cette année du 26 au 30 décembre. "Le Professeur" est un film à ne pas rater !