La série méli-melo de l'affaire du Doyen de la Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de la Manouba se poursuit encore. Le verdict final ne sera prononcé que le 17 du mois en cours, c'est ce qui a été annoncé hier, par le tribunal de première instance de la Manouba, lequel a décidé de mettre en délibéré l'affaire. Accusé d'avoir agressé une étudiante portant le Niqab, le Professeur Habib Kazdaghli a comparu hier, pour la quatrième fois devant la justice. En effet, l'affaire se poursuit depuis le 5 juillet 2012. Mais les événements ont commencé bien avant cette date. A rappeler dans ce cadre que le Doyen est accusé par une étudiante de l'avoir giflée. En contrepartie, M. Kazdaghli nie tous les faits et considère qu'il est victime. Il ne cesse de déclarer que deux étudiantes ont envahi son bureau tout en y semant la pagaille. Ces événements qui font encore couler beaucoup d'encre et qui défrayent la chronique dans le paysage politique, universitaire voire juridique en Tunisie, attirent les observateurs internationaux. Ils étaient d'ailleurs présents hier pour soutenir le Doyen, sans pour autant négliger la présence des acteurs de la société civile tunisienne. Société civile Ce n'est pas tout. L'audience d'hier, a été marquée par la présence des femmes portant le Niqab. Elles affichaient des pancartes où l'on pouvait lire, « Non à la violence contre les femmes ». Dans ce sens, Rym Dridi, dénonce « la violence exercée contre la femme de manière générale et celle qui porte le Niqab, plus particulièrement ». « Je porte le Niqab, et je considère que notre exclusion n'est autre qu'un comportement raciste », témoigne Rym. « D'ailleurs, personne n'a le droit d'interdire à l'étudiante portant le voile intégral de poursuivre ses études », enchaîne-t-elle. Plus d'un an s'est écoulé depuis le déclenchement de l'affaire des salafistes dans la Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de la Manouba, alors que la question du port du Niqab dans les salles des cours n'a pas encore été résolue. Entretemps, les universitaires n'arrêtent pas de militer pour protéger les valeurs universitaires et les libertés académiques qui sont, d'après eux, menacées par quelques groupes. Mais seront-ils capables de tenir le coup et épargner à l'Université tunisienne la répétition des événements qui ont eu lieu l'année dernière ?
Sana FARHAT
Xavier Lambert, Secrétaire National au Syndicat National de l'Enseignement Supérieur (SNESUP) «Il y a une volonté de mettre au pas l'Université tunisienne» Le Temps *Vous êtes venu soutenir le Doyen de la Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de la Manouba. Xavier Lambert -Nous sommes ici pour la première fois afin de soutenir le Doyen Habib Kazdaghli. Mais cela fait longtemps que nous suivons cette affaire. * Comment évaluez-vous cette affaire, qu'un Doyen comparaisse devant la justice ? C'est très grave. Je suis persuadé que c'est un prétexte et qu'en fait, c'est une mise en scène qui a une visée politique et qui cherche à remettre en cause l'Université tunisienne, les valeurs qu'elle défend et en particulier les valeurs de la démocratie, les valeurs qui sont liées aux libertés académiques. Je pense qu'il y a une volonté de mettre au pas l'Université tunisienne pour en faire un exemple pour l'ensemble de la société tunisienne. *Vous avez parlé de démocratie. Le port du Niqab à l'Université ne s'inscrit-il pas dans cette approche, d'autant plus que les étudiantes concernées considèrent qu'il s'agit d'une liberté privée ? -Je ne rentre pas dans ce débat parce que, en tant que français, je suis mal placé pour le faire. C'est vrai. En France, nous avons des valeurs de laïcité qui ne sont pas les mêmes qu'en Tunisie, sauf que qu'elles aient le droit de porter le Niqab à titre individuel, c'est leur problème, dirai-je. Mais il y a quand même des règles à l'Université, y compris à l'Université tunisienne que visiblement, règles, qu'elles ont acceptées et qui stipulent que dans un espace d'enseignement, elles ne doivent pas porter le Niqab. Pour moi ce sont des valeurs élémentaires, qu'elles le portent dans la rue, à l'extérieur de l'Université c'est leur droit le plus strict. Mais il y a ces règles à l'Université qui ont été acceptées par l'ensemble de la communauté universitaire, et ce n'est pas parce qu'une poignée d'étudiants avec certaines visées politiques veulent remettre en cause ces règles qu'on doit sous prétexte de liberté, -qui n'est pas vraiment une liberté-, accepter ce type de comportement agressif. Il ne s'agit pas en fait seulement de porter le Niqab. Ce qui se passe par rapport au doyen Kazdaghli, c'est qu'elles ne se sont pas contentées de porter le Niqab. Il y a quand même eu agression de leur part laquelle a été utilisée politiquement pour remettre en cause les valeurs fondamentales de l'Université Tunisienne. Donc la question des libertés individuelles de ces étudiantes, à mon avis, est un faut débat.