Mauvais signe: les investisseurs américains fuient vers les bons du Trésor pour ne pas trop subir les spasmes des marchés financiers. Mais quoi que fassent les décideurs, la crise financière de ces derniers jours va freiner la croissance. Bien sûr Ben Bernanke, président de la FED (Réserve fédérale) - celle qui établit, en fait, le coût de l'argent - se veut rassurant. Mais il tergiverse encore. Injecter du liquide sur le marché représente une mesure mécanique destinée à huiler partiellement la machine car les fondamentaux économiques ne sont pas si ébranlés que cela. Mais lorsque le krach boursier est provoqué par une bulle immobilière, l'économie américaine devient, du coup, très vulnérable, car elle entre inévitablement dans une nouvelle phase durant laquelle la croissance ralentit assez pour entraîner une baisse des revenus par tête et une remontée du chômage. Face à ce genre de situations, Alan Greespan, le prédécesseur de Ben Bernanke aurait été plus leste: rabaissement systématique des taux d'intérêt de la FED. Car le problème est autrement plus épineux : l'économie américaine est à son plus haut niveau de saisie de logement financés à crédit, depuis 30 ans et au plus bas niveau de construction depuis 10 ans. Et en plus, dans cette affaire l'économie la plus libérale du monde révèle un incroyable paradoxe: la politique du logement étant sociale par excellence, le plus gros des crédits au logement consentis pour les banques, passent par deux agences quasi publiques dans le financement immobilier: Fannie Mae et Freddie Mac... D'où le recours systématique aux saisies pour certains types de crédits hypothécaires à risque, ceux qui sont assujettis à un taux d'intérêt variable. Et c'est donc la bulle immobilière, avec des incidences sur le dollar et, par ricochet, sur l'euro. Depuis trois ans, plus précisément depuis que la FED a commencé à procéder au rabaissement de ses taux directeurs, la Banque Européenne s'est pratiquement mise à faire le contraire . Un euro trop fort à cause des intérêts qui grimpent, trop cher en fait (ce qui pénalise les importations tunisiennes) avec une pression fiscale trop forte (en France et en Allemagne surtout) et une croissance molle. L'Europe est, elle aussi, en train d'aller au devant d'une bulle immobilière car il y a un ralentissement des crédits et, donc, de la consommation et par ricochet de la croissance. C'est un peu à cause de cette chaîne qui avait cassé quelque part, que Sarkozy a flotté sur le chapitre des crédits immobiliers se ravisant par la suite de rassurer, d'abord, les entrepreneurs. "Quand le bâtiment va, tout va", nous enseignent les Keynesiens. Mais lorsque la bulle immobilière, sous-tendue par des taux d'intérêts bancaires trop élevés, se révèle être disproportionnée par rapport à la réalité économique , c'est irréversiblement la spirale sur les marchés monétaires. Et chez nous? Le fait que le taux d'intérêt des crédits immobiliers soit indexé sur le TMM dans des taux, certainement pas donnés, mais encore raisonnables, confère une certaine liberté de manœuvres aux banques. Sauf que le coût du mètre carré construit, n'est pas très loin de ce qui se pratique en France, par exemple, malgré les différences imaginables des grilles salariales. Si elle a résolu (en partie) la crise du logement, l'expansion immobilière (et hôtelière) fait qu'il y a trop d'argent bloqué dans la pierre. Et c'est entre autres pour cela que le marché accuse toujours un manque de liquidités.