Le "coup de gueule" de Ridha Kéfi intitulé «Y a-t-il parmi nous des ennemis de la paix ?» (''Le Temps'' du 16 août 2007) et la senteur du "jasmin d' Hammamet" que nous envoie Habib Kazdaghli (''Le Temps'' du 24 août 2007) ne peuvent laisser indifférents tous ceux qui, coincés entre les va-t-en guerre à tout prix et les va-t-en paix sans aucun prix, essaient de placer un mot dans ce brouhaha assourdissant qui enveloppe ce début de millénaire. Et l'on ne peut qu'être d'accord avec ces cris de cœur dont nous avons tant besoin et partager l'espoir que la paix règne entre les terriens - et pas seulement en Méditerranée-. Seulement voilà, Ridha Kéfi, et Habib Kazdaghli ne sont pas sans savoir que l'histoire a sur nous des droits que nous ne pouvons étouffer et qu'enjamber les événements en prenant des raccourcis risque de nuire à la paix et de précipiter la Colombe dans les filets des ultras, des faucons et autres néo de tout bord. Dame Histoire, poursuivant son petit bonhomme de cours, a toujours su séparer le bon grain de l'ivraie et tout en inscrivant dans son Grand Livre, et en lettres d'or, les noms de tous ceux qui ont rendu de grands services à l'Humanité, elle maudit les infiniment petits "forcing" qui surgissent ici ou là, à un moment ou à un autre, et qui ne sont en fait que le produit monstre du rapport incestueux qu'il arrive que certains hommes entretiennent avec l'histoire. Incestueux parce qu'étant eux-mêmes produits de l'histoire, ils la violentent, la violent, pour enfanter ces méfaits. Méfaits qu'elle ne tarde pas de réparer, d'ailleurs. Et ce qui se passe actuellement en Palestine est un monstre né d'un viol dont est victime l'Histoire. Et s'il est de notre devoir d'initier nos jeunes au vivre ensemble dans la paix, la tolérance et la fraternité, il est aussi de notre devoir de leur apprendre que : - En milieu du siècle dernier les habitants de la Palestine ont été chassés de leur pays et "remplacés" par des "Khazars" d'Europe Orientale, des Berbères Djeraoua, Nefoussa, Mediouna d'Afrique du Nord, des Arabes du Yémen et des Africains d'Ethiopie.- Ces hommes et ces femmes de différentes ethnies et de différentes régions du monde, et uniquement parce qu'ils sont de religion judaïque (et c'est leur droit) ont été "précipités" en Palestine par tous les moyens, par le mouvement sioniste mondial pour constituer selon Theodor Herzl «un morceau du rempart contre l'Asie... la sentinelle avancée de la civilisation contre la barbarie». Et surtout par les grandes puissances de l'époque"... «Pas pour expier les six millions de Juifs assassinés en Europe, mais pour se partager des comptoirs au Moyen-Orient», comme le dit Arek Edelman, chef de l'insurrection du ghetto de Varsovie de 1943. - Les juifs d'Europe - mais pas seulement des juifs - ont été victimes des folies destructrices - européennes, ne l'oublions pas - et des millions d'entre eux ont été atrocement exterminés. Pourquoi ce sont les Palestiniens qui vivaient paisiblement sous leurs oliviers, à des milliers de kilomètres du "lieu du crime" qui doivent trinquer et subir ce qu'ils sont en train d'endurer ? - Ces Palestiniens chassés de Palestine sont jetés dans des camps, dans les pays limitrophes et sont en train de souffrir au moins autant qu'ont souffert les juifs d'Europe durant le siècle dernier. Des Européens, des Nord Africains des Arabes du Yémen chassés vers la Palestine - parce qu'ils sont de religion judaïque - sont jetés dans la fournaise. Mais ils finiront par comprendre - et tous les amoureux de la paix doivent les y aider - la grande machinerie et la grande duperie dont ils sont victimes. - Il faut, pour le bien de tout le monde - et pas de tous les mondes, comme essaient de nous l'inculquer les forces "néomaléfiques" -, il faut revoir le sens de certaines formules "onusiennes" genre droit international, légitimité internationale, communauté internationale... car on sait ce qu'il advient des résolutions émanant de ce "machin" (surnom donné par le Général de Gaulle à l'ONU), dominé qu'il est par la plus grande puissance impérialiste que l'histoire moderne ait connue. - Tous les hommes et toutes les femmes, jeunes et moins jeunes, épris et éprises de paix et de justice, qu'ils soient juifs, musulmans, chrétiens ou ni l'un ni l'autre ont une Mémoire et un Devoir envers cette mémoire, eux aussi. Et au nom de ce Devoir de Mémoire, ils ont le droit de dire haut et fort que ce qui se passe en Palestine est "un acte colonial" et qu'il n'y aura de paix véritable et durable qu'une fois cette injustice réparée. Passer cela sous silence, vouloir taire cette injustice, c'est laisser le terrain libre à l'irrationalité des extrémistes et au télescopage métaphysique destructeur. - Ce n'est ni un intégriste islamiste, ni un extrémiste Palestinien, mais le Juif feu Bruno Kreisky, l'ancien chancelier autrichien qui a dit : "Cette blague du peuple juif est un des grands mensonges de la vie... Parler de peuple juif n'a pas de sens... Sans Hitler, Israël comme pays n'aurait jamais existé...». (J'attire l'attention du lecteur que toutes ces citations sont tirées d'un texte de Georges Adda daté du mois d'avril 2006). C'est de tout cela qu'il faut informer les jeunes du pourtour de la Méditerranée y compris les jeunes juifs, en les sensibilisant à la paix. Ou alors doit-on être juif pour dire - sans être taxé d'antisémitisme - et écrire, comme l'ont fait nos compatriotes Paul Sebag et Georges Adda, l'Autrichien Bruno Kreisky et bien d'autres juifs de notoriété académique reconnue dans le monde, que ce qui se passe actuellement en Palestine est un "forcing" fait à l'histoire et un viol dont elle est victime? Vous voyez bien, chers amis, combien la blessure portée au flanc de notre Eternel Orient est profonde et béante et que le sang qui en coule risque d'embraser la Méditerranée et de noyer «La Colombe». Ainsi, participer à une opération de sensibilisation des jeunes à la paix est-il louable en soi mais à condition que cela soit mis dans son contexte historique, réel et vrai. Car effacer d'un trait tous ces événements, rayer un pays (la Palestine) de la carte et le remplacer par un autre (Israël) comme cela, sans aucun état d'âme, dans l'impunité totale, chasser tout un peuple de son pays et mettre à sa place des colons venus des quatre coins du monde, puis demander, voire obliger le monde à parler de paix comme si de rien n'était, il faut reconnaître que c'est dur à avaler. Et tous les hommes et toutes les femmes qui ont l'amour de la paix, de la justice et de la fraternité dans le cœur et le respect des valeurs humaines dans les tripes n'accepteront jamais cet état de fait. Encore moins nous, "terriens du Sud", qui appartenons à la génération des "espoirs déçus" - puisqu'enfants, nous avons vécu les années de braise des libérations nationales, et assisté à l'occupation de la Palestine; qu'adolescents, nous avons soutenu le Vietnam et adoré Ho Chi Menh, Giap, Che Guevara et Patrice Lumumba, et qu'adultes nous supportons le poids des injustices et le fardeau des gouvernances -, nous qui avons tous ces nœuds à la gorge, nous n'avons pas le droit de contaminer nos jeunes et de les entraîner dans les méandres des contrevérités. La postérité ne nous pardonnera jamais d'avoir participé à une tentative de contrefaçon de l'histoire. Encore moins nous Tunisiens, qui avons toujours - gouvernants et gouvernés - réussi à avoir la tête bien sur les épaules et les pieds bien sur terre et évité les discours enflammés, les rêves illuminés et les prises de position incendiaires. N'est-il pas plus sage d'apporter les corrections et les réparations nécessaires à une opération boiteuse - comme celle qui est sujet de notre débat - avant de s'y engager et de libérer ainsi la Colombe de l'écheveau dans lequel elle se débat avant d'en faire un messager ? Une road map pour un alter pacifisme est plus que possible.Quant à votre serviteur, quand je vais faire des emplettes chez mon "pote" Cham'oun, l'épicier "juif" de Zarzis - et nous sommes potes, lui et moi, pour de vrai -, je me dis en moi-même: "comme il doit être heureux de vivre parmi nous, chez lui, dans son pays, et celui de ces ancêtres, au lieu d'être quelque part en Palestine sur une parcelle de terre spoliée, un matricule sur le fichier des "Séfarades" tenu par des forces occultes qui gouvernent le monde, qui rient à la barbe des kipas et des turbans barbus, et qui sont prêtes à mettre tout le monde, kipas, turbans et soutanes, sous le chaudron de leurs intérêts multinationaux et mondialisés. Et je me demande aussi si ce n'est pas parce qu'ils savent que mon pote Palestinien reviendra passer des jours heureux à l'ombre de son olivier que les barbares arrachent ces arbres au bulldozer!" N'ayez crainte, la semence est dans le rameau d'Arafat. Ainsi veut l'Histoire. Je rêve un peu beaucoup... n'est-ce pas ! Ahmed Ouerchefani, enseignant (Zarzis)