L'institution multilatérale va baisser le loyer de l'argent qu'elle prête à des pays comme la Chine ou le Brésil. En contrepartie, ces derniers acceptent qu'elle aide davantage les Etats les plus pauvres. Tel est le compromis auquel vient d'aboutir la Banque, à l'issue d'un marchandage politique très complexe.
Pour la première fois depuis près d'une dizaine d'années, la Banque mondiale s'apprête à baisser de manière significative les taux d'intérêt qu'elle applique à la Chine, au Brésil, au Mexique et à d'autres grands pays en développement. La mesure s'inscrit dans le cadre d'un plan visant à accroître l'aide aux Etats les plus pauvres de la planète. Aux termes du compromis auquel sont arrivés ses membres, l'institution multilatérale apportera jusqu'à 3 milliards de dollars à l'Agence pour le développement international (AID), sa branche chargée d'accorder des dons et des prêts sans intérêts aux 80 pays les plus pauvres de la planète. Ce texte doit être soumis à l'approbation du conseil d'administration de la Banque en fin de semaine. La Banque souhaite finaliser l'accord avant sa conférence annuelle, qui se tiendra à Washington le 19 octobre. La longueur des discussions, qui ont duré des mois, montre la difficulté qu'il y a à réduire les clivages entre les pays riches, les pays pauvres et ceux qui situent entre les deux camps, comme la Chine et le Brésil, tous actionnaires de la Banque. La cheville ouvrière en a été le nouveau président de la Banque mondiale, Robert Zoellick, qui s'est avéré un négociateur pragmatique et insensible aux critiques de ceux pour qui l'organisation devrait couper les vivres aux pays ayant la possibilité d'emprunter facilement sur les marchés privés. Mais des progrès sont en vue. En échange d'un retour des taux à leurs niveaux d'avant la crise asiatique, Zoellick a demandé au Brésil, au Mexique et à la Chine d'autoriser la Société financière internationale (SFI), une agence de la Banque mondiale qui prête normalement aux entreprises privées plutôt qu'aux Etats, à financer l'AID. Les pays à revenu intermédiaire s'y sont longtemps opposés, estimant que la SFI devrait se concentrer sur les entreprises. L'an dernier, pour la première fois, la SFI a apporté 150 millions de dollars à l'AID. Et, au terme du compromis qui vient d'être obtenu, ce montant sera porté à 1,75 milliard de dollars d'ici quatre ans. Selon Robert Zoellick, qui a travaillé près de deux ans à la banque Goldman Sachs avant de rejoindre la Banque mondiale, une baisse des taux ne risque pas de mettre l'institution en concurrence directe avec le secteur privé. "Quand j'étais chez Goldman Sachs, je n'ai jamais entendu parler de la Banque mondiale comme d'un concurrent ", a-t-il assuré aux responsables de l'organisation.