Cette semaine sera celle de Nessma et de Bajbouj ; d'ailleurs nombreux sont les observateurs qui considèrent que la chaîne des Karoui and Karoui est très proche du Nida et de son président et qu'elle sert de première tribune pour ce parti et ses hommes. La HAICA vient donc de décider la suspension pour un mois du talk show Ness Nessma en raison des interventions de deux invités libyens de l'émission qui faisaient de la propagande pour leurs mouvements terroristes. La chaîne des frères Karoui a diffusé mercredi soir une mise au point sur le sujet, et tout en s'excusant du dérapage déploré, a promis d'ouvrir une enquête pour délimiter les responsabilités dans cette « ténébreuse » affaire. Nous qualifions le dossier de « ténébreux » parce qu'il paraît d'après des sources habituellement fiables, que les partis et groupes islamistes libyens ont récemment initié toute une stratégie médiatique pour redorer leur image auprès des populations de la région. On parle du déblocage de plus de trois milliards de nos dinars pour financer cette campagne de « toilettage » au profit des Frères Musulmans libyens. Le tristement célèbre Abdelkrim Belhaj (longtemps considéré comme dangereux élément terroriste par nos services du Ministère de l'Intérieur) aurait été chargé de la mission et aurait déjà mobilisé une vingtaine de journalistes tunisiens pour contribuer à la réussite de la réhabilitation souhaitée. Nessma TV aurait-elle succombé à la tentation ? La chaîne aurait-elle profité du succès que connaît son Ness Nessma pour se faire l'écho des mouvements extrémistes qui déstabilisent la Libye et tout le Maghreb ? Ce serait paradoxal pour une télévision qui se veut maghrébine, justement ! En tout cas, dans son communiqué de mise au point, la direction de la chaîne n'exclut pas l'hypothèse d'un manège secret dont elle aurait été victime ; dégageant toutefois sa responsabilité en ce qui concerne les propos excessifs des invités libyens de l'émission incriminée. C'est louche, malgré tout ! L'affaire Ness Nessma éclate à un moment où la chaîne des frères Karoui est sur une courbe nettement ascendante sur le plan de l'audimat. Le talk show politique Ness Nessma contribue depuis plus de deux ans à ce succès fulgurant. La large audience dont jouissent les deux feuilletons Harim Essoltane et N'sibti el Aziza a propulsé la chaîne loin devant d'autres télévisions que l'on croyait plus populaires. L'émission de jeux Nessma /TT CASH n'est pas en reste, elle draine quotidiennement un public relativement nombreux. Quant à l'émission culinaire Kousinetna hakka, elle en éclipse bien d'autres diffusées sur les chaînes concurrentes grâce notamment à l'apport des actrices charmantes et sympathiques qui l'animent. De plus, le nouveau logo adopté depuis peu par Nessma, « la chaîne familiale », semble lui rapporter davantage de téléspectateurs. Contrairement à Hannibal TV qui prétend porter « la voix du peuple », Nessma TV se fait plus humble et plus conviviale en se proposant comme chaîne « domestique ». Tout cela pour dire que la résurrection que connaît Nessma TV est de nature à lui attirer des ennuis et à susciter les convoitises parmi les autres chaînes et une certaine animosité de la part d'acteurs politiques connus. C'est pourquoi la réaction immédiate et relativement sévère de la HAICA nous laisse sceptique : cette haute instance dite indépendante n'a pas toujours observé la même rigueur face aux médias tunisiens coupables de dépassements et de dérives préjudiciables à la crédibilité du secteur et même à la stabilité du territoire national. La HAICA ne fait pas l'unanimité autour d'elle, sa neutralité est mise en doute par plus d'un. La démission le mois dernier de l'un de ses membres (Mohsen Riahi, en l'occurrence) jette davantage d'ombre et peut-être de discrédit également sur ses décisions. En cette période préélectorale, il faut certes se montrer extrêmement vigilants face aux manœuvres mafieuses des hommes et des partis politiques aux mains trop sales ; encore faut-il que les personnes et les institutions chargées soi-disant de surveiller leurs manigances soient exemptes de tout reproche et suffisamment intègres pour ne pas céder à la corruption. A bon entendeur, salut ! Bajbouj et les autres ! Pour ce qui est de Bajbouj, on lui a sorti le dossier de « ses » deux voitures blindées offertes par les Emirats Arabes Unis. Cela fait quand même un bon bout de temps que le président du Nida utilise ces deux véhicules, mais c'est aujourd'hui qu'on a choisi de dépoussiérer le « dossier » et de demander une enquête sur ce don « suspect » passible d'un châtiment exemplaire. Ce n'est pas seulement Si Béji qui est visé, mais ses détracteurs font allègrement l'amalgame entre lui et son parti devenu très fort en si peu de temps. Parmi les voix récriminatoires, s'élève celle du « Courant démocratique » de Mohamed Abbou qui appelle le Gouvernement à enquêter sur l'offrande émiratie. Pouvait-il en être autrement lorsqu'on connaît l'amour « mortel » qu'Abbou voue à Bajouj ! Mohamed Abbou vient de sortir d'une longue hibernation pendant laquelle il nous a semblé oublier son principal souffre-douleur : curieusement ce réveil fracassant coïncide avec la fin de la lune de miel entre Ennahdha et le Nida et avec la récente crise interne du mouvement bourguibiste. Curieusement aussi, ses soupçons sur les biens du Nida et de Bajbouj s'intègrent parfaitement dans la campagne hostile menée par les sites nahdhaouis contre le rival numéro un d'Ennahdha aux prochaines élections. Curieusement, Mohamed Abbou ne parle que très vaguement des autres partis et hommes politiques dont les finances ne sont pas très nettes. Curieusement, il n'évoque pas les associations et les organisations aux budgets mille fois plus suspects que ceux de tous les mouvements politiques tunisiens réunis, associations dont il a soutenu ou défendu quelques unes du temps où il était au CPR et même après cette période. Ce faisant, à qui rend-il service ? Pour qui roule son Courant démocratique ? Et contre quoi ? Il y a là matière à enquête ; mais certains oublient facilement que « charité bien ordonnée commence par soi-même » !