Connue, mise à profit et signalée, depuis longtemps, à la postérité par plus d'un historien, l'île de Chikly, au cœur du Lac nord de Tunis, par moments oubliée, semble sur le point de renouer avec son passé prestigieux, grâce à un projet de mise en valeur qui y est réalisé dans le cadre de la coopération tuniso- espagnole. Portant principalement sur la restauration d'un très ancien fort édifié sur cette petite île et utilisé à des fins militaires et autres par les divers occupants du pays dont les Espagnols au 16ème siècle, ce projet a débordé sur l'ensemble du site, l'investissant d'une valeur historique et culturelle propre à en faire un pôle de villégiature et d'attraction culturelle et touristique de premier choix.
Pour le bien des Tunisiens et des touristes étrangers Si tout se passe comme prévu, ce sera le premier projet et probablement le seul du genre en Tunisie, car le site de l'île de Chikly n'a pas de semblable, et son profit sera d'autant plus étendu qu'il est d'un accès très facile, en raison de sa proximité immédiate de la nouvelle ville construite sur les berges du Lac. Son intérêt augmentera avec la reconversion projetée de l'ancien port de Tunis en un port de plaisance, tandis que la Société en charge de l'exploitation du projet immobilier des berges du Lac nord de Tunis dispose d'un programme arrêté pour l'animation du Lac, en particulier. Signe de son importance, le site a figuré en bonne place dans le programme de la visite officielle effectuée, la semaine écoulée du 2 au 5 octobre 2007, en Tunisie, par Mr Miguel Angel Moratinos, ministre espagnol des affaires étrangères. Accompagné du ministre de la culture et de la sauvegarde du patrimoine, Mr Mohamed El Aziz Ben Achour, le responsable espagnol a effectué, au cours de ce séjour, une tournée dans l'île de Chikly , prenant connaissance de l'avancement du projet de restauration de l'ancien fort et des résultats des fouilles archéologiques, menées, dans le site, depuis 1995, et qui ont permis d'exhumer, entre autres, des mosaiques antiques. Mais, cette tournée a été une occasion pour annoncer l'intention de transformer le site de l'île de Chikly en un espace d'animation culturelle et touristique ouvert aux Tunisiens et aux visiteurs étrangers.
Un passé riche et typique Au moyen âge, le Lac de Tunis et l'île de Chekly servaient, déjà, de lieux de villégiature aux rois hafsides qui y venaient, à cet effet, en bateaux, après avoir traversé les nombreux jardins potagers entourant, autrefois, de ce côté, la ville de Tunis. En effet, selon les spécialistes, corroborés en cela, par les données archéologiques, le fort de Chikly n'a pas été édifié par les Espagnols, pas plus d'ailleurs que l'ancien fort de la ville voisine de la Goulette , appelée '' El Karraka''. Il s'agit de constructions très anciennes tombées en ruines que les Espagnols avaient retapées et consolidées. L'historien et géographe arabe Abou Obeid Al Békri qui vécut au 11ème siècle de l'ère chrétienne, en Andalousie arabe, au sud de l'Espagne, a signalé l'île de Chikly et son fort dans son traité intitulé ''Routes et Royaumes'' (Al massalek wa al mamalek), donnant de tout le site une description assez détaillée et évaluant la circonférence de l'île de Chikly à quelques 24 miles (environ 34 kilomètres), car l'île de Chikly est une petite île et elle était reliée à la terre du côté de la Goulette et du Kram par une piste enfoncée par les travaux de dragage effectués dans le Lac. Dans ce même esprit, les spécialistes signalent, sans pouvoir l'expliquer, le port du nom de Chikly par plusieurs sites et localités en Tunisie et dans la région méditerranéenne, dont une ancienne localité située à l'ouest de Tunis, sur la route allant à la ville de Zaghouan, signalée par Al Békri, mais surtout l'île d'Ichkeul dans la région de Bizerte, au Nord de la Tunisie , la grande île de Sicile au large de l'Italie et les îles des Cyclades appartenant à la Grèce , en mer Egée. D'ailleurs, certains prétendent que l'île tunisienne de Chikly tire son nom de celui d'une ancienne tribu venue de Sicile, et qui donna son nom à l'île italienne et à l'île tunisienne, en même temps, hypothèse tout aussi vraisemblable que son opposé. Ainsi, le pionnier du cinéma et de la photographie en Tunisie au début du 20ème siècle, le juif tunisien Chammama Chikly, de la famille du fameux Nassim Chammama, longtemps intendant des Beys de Tunis au 19ème siècle, doit ce nom à notre île de Chikly parce qu'il aurait utilisé l'île, à titre de concession temporaire, à des fins d'utilité publique.