Des organisations spécialisées dans l'observation du processus électoral ont accusé l'Instance supérieure indépendante des élections (ISIE) de vouloir écarter les observateurs les plus rigoureux et les plus embarrassants. Ainsi, le président de l'organisation 23_10 d'appui au processus de transition démocratique, Sami Ben Slama, a déclaré avoir été informé que l'ISIE a décidé de rejeter la demande d'accréditation présentée par son association pour pouvoir déployer des observateurs dans les bureaux de vote durant la présidentielle. «J'ai été informé de sources sûres que l'ISIE a refusé d'accorder à nos observateurs les accréditations nécessaires sous le prétexte fallacieux de l'absence de preuves attestant que nos observateurs ont reçu une formation dans le domaine de l'observation des élections», a précisé M. Ben Slama, qui est membre de l'ancienne ISIE présidée par Kamel Jendoubi et qui avait organisé avec brio les élections de l'Assemblée nationale constituante (ANC) le 23 octobre 2011. M. Ben Slama a également fait savoir que l'ISIE « semble vouloir exclure les observateurs de l'organisation 23_10 en raison des critiques acerbes adressées par l'ONG à l'instance dans ses rapports publiés depuis la constitution de la nouvelle ISIE présidée par Chafik Sarsar. De son côté, l'Association Tunisienne pour l'intégrité et la démocratie des élections (ATIDE) a dénoncé la décision de l'Instance régionale indépendante des élections (IRIE) à Sidi Bouzid de retirer l'accréditation de l'association ATIDE pour l'observation de la présidentielle dans la circonscription. L'IRIE de Sidi Bouzid a expliqué sa décision par le fait que l'association n'a pas respecté la charte qu'elle avait signée. Elle a notamment accusé certains observateurs de l'ATIDE d'avoir «diffusé des résultats erronés, empêché le bon déroulement du dépouillement et crié à la falsification des résultats alors que l'opération s'est déroulée en toute transparence et en l'absence de plusieurs organismes». Le Président de l'ATIDE, Moez Bouraoui, a, cependant, fait remarquer que l'ISIE «n'a pas le droit de retirer les accréditations de tous les observateurs d'association à Sidi Bouzid à cause de dépassements commis par deux observateurs», précisant qu'il s'agit là d'une «punition collective incompréhensible». Manquements A noter que l'ATIDE et l'organisation 23_10 ont eu la dent dure ces derniers mois envers l'ISIE. Ainsi, l'organisation 23_ 10 a accusé juste avant les législatives l'ISIE d'avoir «cherché à diminuer de plusieurs centaines de milliers le nombre des électeurs potentiels, qui était estimé en 2011 à 8018048 personnes, selon les données de l'Institut national de la Statistique (INS) dans le but de préserver la carte politique apparue au lendemain des élections de l'ANC». La même organisation avait aussi appelé dès août dernier, alors que l'opération d'inscription sur les listes électorales battait son plein, au limogeage du président et de certains membres de l'ISIE en raison de leur «incapacité à garantir le déroulement des prochains scrutins législatif et présidentiel dans un cadre de transparence». L'organisation 23_10 a, par ailleurs, souligné que l'ISIE n'a pas déployé un grand effort en matière de sensibilisation comme en atteste la diminution de 66% du budget réservé à la communication. Elle a également révélé que l'instance a compté lors de l'opération d'inscription des électeurs sur 2500 agents, dont certains étaient des engagés politiquement, tout en écartant des jeunes expérimentés dans ce domaine. L'ATIDE avait, quant à elle, précisé dans un rapport publié après les élections législatives que des membres de plusieurs bureaux de vote n'étaient pas neutres politiquement, révélant que la présidente d'un centre de vote à Béjà était elle-même candidate sur une liste ! L'association a, sur un autre plan, relevé des dysfonctionnements au niveau des bureaux de vote, précisant que dans 6% des bureaux, les urnes n'ont pas été ouvertes devant les observateurs pour leur montrer qu'elles étaient vides avant l'entrée des électeurs Elle a, d'autre part, fait savoir que les agents de certains bureaux de vote ont permis aux électeurs de voter avec une copie de leur carte d'identité ou à des personnes d'accompagner des illettrés dans l'isoloir contrairement aux dispositions légales. L'ATIDE a, par ailleurs, relevé des retards d'ouverture de nombreux bureaux de vote, le non affichage des listes d'électeurs dans 31 % des bureaux, la non-disponibilité du matériel prévu par la loi électorale (absence de tampons, utilisation de crayon noir, registres des signatures rédigés à la main, manque de personnel dans plusieurs bureaux de vote ...etc).