La jeune réalisatrice, Ines Ben Othmane, a été arrêtée le 19 décembre 2014 pour outrage à un fonctionnaire. La jeune artiste s'était rendue elle-même au poste de police pour porter plainte contre l'adjointe du chef du poste de police, avec qui elle avait eu une dispute qui aurait tourné au harcèlement et aux insultes. Après avoir été transférée à l'Aouina, Ines Ben Othmane a été placée dans le centre de détention de Bouchoucha. Le procès d'Ines a été interrompu parce que la juge a refusé la plaidoirie d'Abdenaceur Laouini. C'est Walid Zarrouk, secrétaire-général du syndicat de l'établissement pénitentiaire, qui s'est confessé au journal Le Temps sur cette affaire. Le syndicaliste a expliqué que l'arrestation de la réalisatrice s'est faite sans respect des procédures et des lois. Il nous a assuré que cette affaire n'est que «l'arbre qui cache la forêt». En ce qui concerne le poste de police de la cité d'Ennacer, qui a connu l'incident d'Ines Ben Othmane et celui des deux journalistes, le syndicaliste a expliqué que les responsables de ce poste étaient derrière un trafic de prostitution et qu'il comptait tenir une conférence de presse pour les dénoncer, preuve à l'appui. Un autre incident a eu lieu lundi dernier, quand une jeune fille, qui travaille dans un foyer en tant que nourrice, est descendue faire des courses, a été arrêtée par une voiture de police et a été emmenée au poste. Nous avons contacté Meriem Azouz, sociologue et propriétaire des lieux où travaille la jeune fille. Elle nous a assuré que le policier lui a dit au téléphone que la fille «n'avait aucune pièce d'identité sur elle et qu'elle se promenait en étant maquillée ». Meriem Azouz aurait fait le tour des postes de police pour trouver la jeune fille arrêtée au poste d'Al Manar. Arrivée sur les lieux, elle a été surprise par le discours des agents qui étaient de service. Ils auraient tenu un discours sévère en refusant de discuter avec Meriem Azouz qui aurait pourtant amené la pièce d'identité de la jeune fille expliquant qu'elle n'avait aucune qualité pour discuter de sa libération. Il aurait fallu qu'un cadre intervienne pour que la fille soit relâchée. Meriem Azouz nous a affirmé que sans cette intervention, la fille serait toujours arrêtée. Toujours pour le même ‘crime', deux journalistes du ‘Al Huffington Post Maghreb-Tunisie', Najma Ksouri Labidi et Monia Ben Hamadi, ont été arrêtées dans la soirée d'hier au poste de police de la cité d'Ennaceur. Dans une déclaration accordée au Temps, Najma Ksouri Labidi a indiqué qu'elle et sa collègue se sont arrêtées devant le poste de la police à 5 heures du matin parce qu'elles étaient perdues dans un sens interdit. L'un des agents a commencé par demander les cartes d'identité avant de leur ordonner d'entrer dans le local tout en les bousculant. Au poste de la police, l'agent a haussé le ton et a menotté les deux journalistes. Najma Ksouri a demandé à appeler un avocat ou un membre de sa famille, une requête rejetée par le policier. La journaliste s'est servie discrètement de son téléphone. Un autre agent a rejoint la salle et a agressé verbalement et physiquement Najma Ksouri. Face à cette violence, les deux journalistes ont réclamé un procès-verbal, cela a été fait après plusieurs refus. Monia Ben Hamadi et Najma Ksouri ont été transférées devant le procureur de la République au tribunal de l'Ariana, elles ont été maintenues en état de liberté en attendant leur convocation au district de l'Aouina où elles seront interrogées. La journaliste a affirmé au journal Le Temps qu'elle et sa collègue comptaient porter plainte contre les deux agents. Une équation délicate Alors que le terrorisme frappe le pays, tout citoyen tunisien se sent dans l'obligation de soutenir comme il le peut les unités de force qui combattent les extrémistes. Mais, face à ces incidents, qui risquent de devenir plus fréquents, il est aussi de notre devoir de rester vigilants afin de dire non au retour de l'Etat policier. Mohamed Ali Aroui, porte-parole du ministère de l'Intérieur, avait déclaré dans la soirée d'hier que le port d'arme après le service et l'incrimination de l'outrage à un fonctionnaire en service sont des priorités pour les unités de l'ordre. Après une réunion avec le ministre de l'Intérieur, Lotfi Ben Jeddou, le Syndicat des Force de l'Ordre a annoncé qu'une note permettant aux agents de garder leurs armes après le service aurait été publiée. Khaled Jlassi, trésorier du syndicat, a déclaré que cette note serait appliquée à partir d'aujourd'hui. Il a ajouté que les agents comptaient manifester devant le district de la Garde Nationale à l'Aouina afin de demander aux députés de l'Assemblée des Représentants du Peuple (APR) d'accélérer l'adoption de la loi des indemnités du travail et celle qui criminalise l'agression contre les policiers. De telles requêtes peuvent être compréhensibles par ces temps où les martyrs ne se comptent plus dans les rangs des agents de force, mais, quand des abus sont enregistrés, beaucoup de questions se posent à nous. L'équation la plus délicate qui se profile à l'horizon est la suivante : comment garantir la sécurité sans transgresser les droits des citoyens ?