Décidément, les relations entre magistrats et avocats ne sont pas au beau fixe, et ce n'est pas la première fois qu'ils entrent en conflit alors qu'ils sont les deux partenaires de la Justice sur lesquels compte le citoyen pour défendre ses intérêts et recouvrer ses droits. C'est encore l'agression d'une avocate par la police, qui a été à l'origine du différend dont les faits ont éclaté mardi dernier à Sfax. Cela a commencé par un simple fait divers, la police ayant interpellé le frère de l'avocate pour un délit de droit commun, et saisi son véhicule. Ayant appris que son frère est arrêté au poste de police à Sfax, Me Mahbouba Ben Farh est allé s'enquérir, mais n'était apparemment pas la bienvenue, du moins d'après Me Noômane Ben Mzid, membre du Barreau régional de Sfax, lequel a bien voulu nous donner quelques précisions sur cette affaire, et qui a affirmé que sa consœur a été agressée verbalement et physiquement notamment par deux agents de l'ordre. « Le ton est très vite monté et les agents n'ont pas hésité à faire usage de tous les moyens tendant à humilier la consœur et à lui manquer de respect, avant de la traîner jusqu'au fourgon cellulaire là où elle été placée par la force, pour la conduire chez le procureur près le tribunal de première instance de Sfax. Ce dernier a ordonné sa comparution immédiate devant le juge d'instruction près le même tribunal » a-t-il encore précisé. Me Noôman Mzid a ajouté qu'une plainte a été présentée contre les deux agents pour agression et séquestration illégale à l'encontre de Me Ben Farh, laquelle présente des ecchymoses dans différentes parties de son corps, tel qu'il a été établi par le médecin de la Santé publique qui l'a auscultée. Les avocats courroucés Pour leur part les avocats de Sfax, dont notamment les membres du l'Ordre National au bureau régional de Sfax, ont protesté devant le bureau du procureur de Sfax, puis devant le tribunal pour faire part de leur indignation contre « la pratique des deux poids deux mesures, étant donné que le procureur n'a pas écouté les doléances de leur consœur, et les agents concernés n'ont pas été inquiétés. L'Ordre national des avocats a fait paraître un communiqué dans lequel il condamne énergiquement l'agression dont a été l'objet Me Ben Farh, et dénonce de tels procédés perpétrés par une minorité parmi les agents de l'ordre qui sont tenus d'agir dans l'intérêt de la paix publique. Il fait appel aux autorités publiques afin de sévir contre toutes les agressions constituant une atteinte à l'égard des avocats garants de la défense des droits et des libertés. Le Bâtonnier de l'Ordre national Fadhel Mahfoudh s'est déplacé hier au Bureau régional de l'Ordre à Sfax en vue de s'enquérir de plus près, soutenir ses confrères et suivre l'évolution de cette affaire. La grève qui a été décidée hier par les avocats de Sfax a eu de fâcheuses retombées sur la continuité des affaires, et le suivi des dossiers, puisque les greffiers ont refusé de recevoir les requêtes dont certaines sont tributaires de délais précis sous peine de nullité. Plusieurs associations ont fait part de leur solidarité avec les avocats en condamnant l'agression dont a fait l'objet Me Ben Farh, dont notamment la Ligue tunisienne des droits de l'Homme, ainsi que l'Association des jeunes avocats et l'Association des femmes démocrates. Les juges protestent à leur tour Quant aux juges, ils ont de leur côté condamné l'attitude des avocats notamment à travers un sit-in organisé hier dans la matinée devant la Cour d'appel de Sfax, afin de protester contre les actes de trouble perpétrés par un groupe d'avocats, devant le bureau du procureur général, et l'entrave de la bonne marche des audiences au sein du tribunal de première instance de Sfax. Ils reprochent ainsi aux avocats d'avoir surtout verbalement agressé le procureur général, pour le simple fait d'avoir ordonné une enquête à la suite de l'incident entre l'avocate concernée et les agents de police. Les forces de l'ordre aussi Selon un communiqué de la coordination des syndicats de sécurité à Sfax, des avocats auraient agressé verbalement des policiers et tenu des propos diffamatoires à leurs égard. Il est précisé selon ce même communiqué que les agents de sécurité sont décidés de porter plainte pour agression à l'égard de ceux parmi les avocats qui auraient perpétré ces actes d'agression et de diffamation. Certaines parties appellent à contenir ce différend semblable à une tempête dans un verre d'eau, qui ne doit arriver à une telle ampleur. Sahbi Jouini, syndicaliste des forces de sûreté nationale pourrait jouer un rôle dans ce sens, pour ses collègues décidés à observer un rassemblement de protestation devant le district de Sfax. Par ailleurs, Me Fadhel Ben Omran, avocat et député de Nidaa Tounes a appelé aussi bien les avocats que les sécuritaires à contenir cette affaire qui a pris une ampleur disproportionnée. En tout état de cause, et selon cette tension entre les partenaires de la Justice ne sert en rien le justiciable. Il est donc nécessaire d'arriver à une solution dans l'intérêt de toutes les parties prenantes dans la consolidation d'une Justice indépendante, impartiale et équitable.