A 6h10 du matin, hier, les voyageurs de plus en plus nombreux partant de la Marsa en direction de Tunis en empruntant le métro dit TGM, s'impatientaient sur le quai. Certains habitués ayant raté le train de 6h du matin, avaient une mauvaise mine. 6h30, le deuxième départ. Les différents wagons sont quasiment vides et chacun pouvait choisir sa place selon ses convenances. Petit à petit, on avance... à pas de tortue. D'habitude, le trajet se faisait au grand maximum entre 30 et 35 mn. Et voilà que la demi-heure passée, les voyageurs allant à Tunis doivent patienter encore, car le fameux TGM roule sur une seule voie... La deuxième voie est en réparation. « Mais, jusqu'à quand va durer ce maudit chantier de modernisation qui nous a fait souffrir des années ? », s'exclamait un voyageur déjà éreinté avant d'arriver au travail. Boîte de sardines ! La tension montait dans le wagon, surtout que les « clients » de la TRANSTU ne pouvaient plus respirer l'air frais tant ils étaient collés l'un à l'autre, comme une véritable boîte de sardines. « L'avantage de ces moments de pointe, tôt le matin, est qu'on peut faire le trajet sans un seul contrôle. La porte est grande ouverte pour la resquille », reprend avec un air revanchard un vieux voyageur qui ne comprend plus ces retards à répétition d'un chantier de rénovation commencé en 2012 et devant être clos au plus tard à la fin de 2015. A quand le retour à la normale ? Avec des chantiers au point mort, il faudra, théoriquement attendre janvier 2016, pour que les choses reprennent leur rythme d'avant le chantier. A qui parler pour exprimer sa colère ? Personne ! « Je prends le TGM depuis 40 ans... Jamais et jamais nous n'avons enduré le calvaire de ces 4 dernières années... La Troïka au pouvoir, en 2012, n'a pas la « baraka » pour ce projet, préparé avant qu'elle n'arrive au pouvoir », précise Am Hamadi, un client fidèle connu par les habitués du train. La soixantaine, bien sonnée, il connaît ce train depuis le lycée, quand les wagons étaient en bois... « C'était le bon vieux... train », pour dire le bon vieux temps. De gros sous en jeu ? Un cadre, abonné au train, sort de son silence : « Tout se dégrade chez nous, ce n'est pas le TGM de la misère qui va faire exception ». Un autre, ne mâche pas ses mots : « Derrière les retards dans l'achèvement des travaux, il y a des intérêts de gros sous ». Là, les avis divergent, même si tout le monde est d'accord pour dire que la corruption a gangréné l'administration tunisienne. « Des milliers de Trabelsi ont pris la relève sur la dizaine qui pillait le pays », ajoute une femme bien matinale, à la tenue respectable... mais qui en avait trop sur le cœur à propos du T.G.M ». 7h17mn, le train entre en gare de Tunis... 47 minutes de trajet... Quelle misère ! Quelle lenteur ? Nous n'avons plus la notion du temps. Jusqu'à quand va durer ce calvaire quotidien ? Des décisions prises dans les bureaux ! C.B.T, contrôleur au sein de la TRANSTU, affecté ces derniers jours dans la ligne de la banlieue-Nord, très fréquentée par les habitants de la capitale, fuyant la canicule, pense que les travaux doivent normalement s'achever à la fin de cette année 2015. Comment explique-t-il ces retards ? Ses propos vous laissent sans voix. « Je suis aussi concerné que vous par la multiplication des rotations. Cela augmente les recettes dans les guichets. Ne croyez-pas que les agents exerçant sur le terrain sont contents de cette situation des travaux qui sont, aujourd'hui, à l'arrêt. Des bus sont mobilisés pour alléger la pression subie par le métro. Nous savons que leur nombre ne suffit pas ». Que faire ? La bureaucratie... Il semble que les décideurs supervisant ce grand chantier dès 2012, sont frappés par les maux de la bureaucratie. Le temps qui passe n'a aucune signification pour eux. Ils traitent des dossiers qui peuvent traîner. Et s'ils décidaient en consultant les hommes de première ligne, ils auraient pu éviter des erreurs commises par la jeunesse. Rien ! Demain, et les jours suivants, tous ces mécontents reprendront leur train favori, le T.G.M, devenu, par la force de la médiocrité ambiante, Train de Grande Misère (T.G.M). Le temps perdu par les voyageurs, quotidiennement, si on le calculait et l'additionnait chaque matin pour l'ensemble des voyageurs, il totaliserait des dizaines de milliers d'heures de travail dilapidées. Un manque à gagner, impardonnable pour une économie qui stagne... Ce genre de micro-problèmes et de détails où se cacherait le diable, nous édifient sur l'état d'esprit des Tunisiens moyens et de ceux qui sont haut placés, tellement haut qu'ils ne se rendent pas compte de ces détails... Au fait, quand le transport public va, tout va.