A court de solutions face à un grand déficit pluviométrique qui risque d'aggraver une situation économique déjà inquiétante, le gouvernement s'en remet au Bon Dieu. Le ministère des Affaires religieuse a en effet appelé à organiser la prière de l'invocation de la pluie en ce dimanche 17 janvier sur l'ensemble du territoire tunisien. «Vu l'arrêt des pluies dans le pays et le retard de leur abondance bénéfique, le ministère des Affaires religieuses appelle les directeurs régionaux des Affaires religieuses avec concertation des pouvoirs locaux et des imams prédicateurs à organiser la prière de l'invocation de la pluie le dimanche 17 janvier 2016, en insistant sur les supplications envers le créateur afin qu'il manifeste sa puissance en irriguant ses fidèles et en accordant sa miséricorde», a indiqué le ministère dans un communiqué publié le 14 janvier. Dans un autre communiqué publié hier, le ministère a établi une liste des lieux où devrait se dérouler la prière de l'invocation dans chaque région. Il s'agit, en somme, de places publiques, de stades de football ou d'enceintes de mosquées. Le choix de la date de la prière de l'invocation de la pluie, dont le premier épisode a déjà eu lieu à Sfax le 3 janvier dernier, a valu au ministère une volée de bois vert sur la Toile. Sur les blogs ou encore sur les réseaux sociaux, il se fait railler sans cesse pour avoir fait coïncider le timing de l'invocation avec celui de la réouverture des vannes célestes déjà prévue par les météorologues. Cela fait plusieurs semaines que les spécialistes des prévisions météorologiques annoncent une reprise des précipitations à partir de la mi-janvier. Dans ses bulletins, l'Institut national de la météorologie a d'ailleurs annoncé bien avant la publication du communiqué du ministère des Affaires religieuses que des précipitions plus au moins abondantes sur plusieurs régions étaient prévues à compter du vendredi 15 janvier. Dérèglement climatique Sur le Web, plusieurs sites spécialisés se sont aussi fait l'écho de pluies faibles à modérées prévues partout sur la Tunisie durant la journée du dimanche 17 janvier. Il n'en fallait pas plus pour certains internautes pour crier à la tricherie de la part du gouvernement. « En plus, ils trichent avec leur prière de la pluie dimanche», déplore Maryem Marzouki sur son compte Twitter. «Cela donne une indication du degré de connerie et du niveau intellectuel des charlots qui nous gouvernent», tempête un blogueur sous le pseudonyme de Papillon. «Prière ou pas, il va pleuvoir selon les météorologues», réagit un autre facebookeur. L'administrateur de la page Facebook «N'en déplaise aux Arabes, la Tunisie est libre» fait, lui, preuve d'un humour mordant en écrivant: «Après la prière de l'invocation de la pluie, il va pleuvoir. Et ils diront Allah est grand! Allah a exaucé nos prières et nos supplications. Rien ne nous est reproché et Dieu doit bénir ce que l'on fait. Allons combattre les membres l'Association Shams pour la dépénalisation de l'homosexualité qui ont jusqu'ici laissé Allah énervé contre nous». Selon les climatologues, l'hiver moins mordant et peu pluvieux enregistré jusqu'ici dans plusieurs régions du monde s'explique par le phénomène El Niño, qui survient tous les quatre à sept ans en moyenne, mais dont l'épisode de 2015 est considéré comme étant «le plus puissant au cours des 100 dernières années». Ce phénomène, qui s'ajoute au réchauffement climatique est provoqué par un changement de sens des courants d'air dans l'atmosphère au-dessus du Pacifique équatorial. Les eaux chaudes de surface, qui s'accumulent normalement dans l'est du Pacifique, se déplacent vers l'ouest, entraînant des pluies plus abondantes sur la côte ouest du continent américain et davantage de sécheresse en Asie du Sud-est, au Moyen Orient et en Afrique.