Le Temps-Agences - L'ancien Premier ministre pakistanais Benazir Bhutto a menacé d'organiser une "longue marche" de l'opposition sur Islamabad à moins que Pervez Musharraf renonce à ses fonctions de chef des armées, organise des élections et rétablisse la Constitution suspendue depuis l'instauration de l'état d'urgence samedi. Le chef de file de l'opposition, la plus à même de mobiliser la rue pakistanaise, a donné jusqu'à vendredi au général-président pour satisfaire ses conditions. Du côté du gouvernement, on assure que les élections législatives auront bien lieu comme prévu en janvier. Le président de la Ligue musulmane du Pakistan, proche de Musharraf, a affirmé que l'état d'urgence serait probablement levé dans deux à trois semaines. Le général-président Pervez Musharraf, au pouvoir depuis un coup d'Etat militaire en 1999, n'a toutefois pas confirmé personnellement ces informations. "Nous ne pouvons pas travailler pour la dictature. Nous pouvons travailler pour la démocratie", a déclaré Bhutto lors d'une conférence de presse à Islamabad après avoir consulté les autres dirigeants de l'opposition sur la stratégie à adopter face à l'état d'urgence. "Si nos demandes ne sont pas satisfaites d'ici le 9 novembre, nous entamerons une longue marche partant de Lahore le 13 novembre et nous organiserons un sit-in à Islamabad", a-t-elle prévenu. "La balle est dans le camp du gouvernement." Le Parti du peuple pakistanais (PPP) de Benazir Bhutto organisera aussi vendredi un rassemblement de protestation dans la ville de Rawalpindi, près d'Islamabad, que la police a interdit. Bhutto est revenue au Pakistan le 18 octobre après huit ans d'exil et a engagé des discussions sur le partage du pouvoir avec Musharraf qui sont restées lettre morte. Depuis l'instauration de l'état d'urgence, la police a arrêté des centaines d'opposants et d'avocats, en première ligne du mouvement de contestation. Les tribunaux du pays sont boycottés par les hommes de loi. Pour les observateurs, le chef de l'Etat a imposé l'état d'urgence pour empêcher la Cour suprême d'invalider sa réélection à la présidence le 6 octobre, parce qu'il cumulait alors les fonctions de chef de l'Etat et de chef des armées. L'une de ses premières décisions a été de limoger le président de la Cour suprême Iftikhar Chaudhry, qui est assigné à résidence à son domicile d'Islamabad. Les arrestations par centaines ont toutefois réduit l'ampleur des manifestations au cinquième jour de l'état d'urgence mercredi. Une poignée d'étudiants a affronté la police dans une université de Lahore et un demi-millier d'avocats et d'étudiants ont défilé dans le calme à Islamabad. L'Union européenne s'est jointe aux Etats-Unis pour appeler Musharraf à tenir sa promesse de quitter ses fonctions de chef des armées, de rétablir les libertés civiques et d'organiser des élections en janvier prochain. Le Commonwealth a de son côté convoqué une réunion ministérielle extraordinaire, la semaine prochaine à Londres, afin de discuter de l'état d'urgence au Pakistan. Washington a fait savoir qu'il reverrait son aide au Pakistan, qui a atteint près de 10 milliards de dollars depuis les attentats du 11 septembre 2001. Mais les Etats-Unis n'ont pas encore clairement défini leur attitude face à une puissance nucléaire alliée, en première ligne de la lutte contre Al Qaïda et les taliban.