Refusant de se contenter d'une simple séance d'audition devant les membres du bureau de l'Assemblée des représentants du peuple, le chef du gouvernement a envoyé une lettre à l'adresse du Parlement où il demande un vote de confiance. Reçue dans la journée d'hier, la demande de la présidence du gouvernement devrait avoir une réponse dans les plus brefs délais. Cette lettre a donc engendré l'annulation de la séance d'audition qui devait avoir lieu demain. Selon les premières informations, la fixation de la séance de vote ne devrait pas dépasser les dix jours. Depuis l'annon ce de l'initiative présidentielle le 2 juin dernier, Habib Essid a donné l'impression de souffler le chaud et le froid ; ses déclarations étaient contradictoires et on n'arrivait plus à distinguer ses réelles intentions. Après sa rencontre hebdomadaire avec le président de la République en début de cette semaine, Essid avait fini par mettre un terme aux doutes qui entouraient la manière avec laquelle prendrait fin sa mission au palais de la Kasbah. Lors d'une brève déclaration à la télévision nationale, le chef du gouvernement a annoncé sa décision d'aller vers le Parlement. Bien qu'il ait habitué l'opinion publique à sa discrétion, il semblerait qu'Essid ait pris la ferme décision d'aller jusqu'au bout de son combat. S'il demande aujourd'hui à passer au vote des députés, il est très probable qu'il exige que son équipe l'accompagne pour que tous les ministres passent, comme ils l'ont fait lors de leur nomination, par le même vote de confiance. Si cela venait à arriver, les ministres se trouveraient devant deux situations possibles : soit ils défendent comme il se doit le bilan de leur gouvernement – et là la motion de censure sera remise en question – soit ils avouent leur échec et auront donc l'obligation, éthique au moins, de ne plus se présenter pour la formation du prochain gouvernement. En attendant, les participants aux concertations du palais de Carthage ne semblent pas être enthousiastes pour la décision d'Habib Essid ; certains d'entre eux l'ont même qualifiée de ‘sérieuse perte de temps pour le pays'. Ceux qui soutiennent la manœuvre du chef du gouvernement s'appuient sur l'argument de la Constitution. Pour eux, le choix d'Essid d'aller vers l'ARP représente surtout un respect pour le contenu constitutionnel qui est clair au niveau de la nature du régime politique du pays et au niveau de la répartition des trois pouvoirs. Indépendamment des intentions et des objectifs, la demande d'Essid aura ses impacts sur l'initiative de Béji Caïd Essebsi. Déjà que cette initiative a pris assez de retard, le vote de confiance la bloquera encore plus. Après la lettre de la présidence du gouvernement, on ne peut plus parler de la date du 25 juillet – annoncée il y a quelques semaines par le chef du mouvement d'Ennahdha, Rached Ghannouchi – comme date de la désignation du nouveau gouvernement. Les tensions entre la présidence de la République et celle du gouvernement sont aujourd'hui claires et plus personne ne semble pouvoir les contrôler. Espérons juste qu'au bout de tous ces tiraillements, le pays s'en sorte sans tomber dans la crise politique avec laquelle il est en train de flirter... dangereusement !