Le colloque africain ayant pour thème « Libéralisation des échanges et droit social en Afrique », organisé par l'Association Tunisienne de Droit Social (ATDS) en collaboration avec le Bureau International du Travail (BIT) et l'Association Française de Droit du Travail (AFDT) s'est tenu récemment à Tunis. La séance d'ouverture de ce colloque a été présidée par M. Ali Chaouch, Ministre des Affaires Sociales, de la Solidarité et des Tunisiens à l'Etranger. M. Chaouch a placé le colloque dans son contexte compte tenu des mutations internationales profondes et notamment l'accélération du rythme des échanges économiques internationaux qui a eu des répercussions inévitables sur les modes de production ainsi que sur les conditions du travail et des relations professionnelles. A ce titre, M. le Ministre a fait remarquer la Tunisie a « choisi un modèle de développement axé sur le corrélation des deux dimensions économique et sociale » et a réussi à s'intégrer dans le contexte économique mondial tout en évitant les risques inhérents à la globalisation économique, grâce notamment au développement au dialogue social. Cette approche équilibrée entre les aspects économique et social a donné ses fruits puisque la Tunisie est classée à la tête des pays arabes et africains en matière de développement humain. Dans son rapport introductif, M. Mohamed Ennaceur, président de l'ATDS et vice-président de la Société Internationale du Droit du Travail et de la Sécurité Sociale (SIDTSS), a rappelé que l'objet du colloque est de faire le point sur l'évolution du contexte économique et social dans le contient africain depuis le dernier congrès africain de Droit du Travail organisé par l'ATDS en 1991, et notamment les répercussions des accords multilatéraux sur le commerce signés à Marrakech en 1994 qui ont débouché sur une réduction du pouvoir régulateur des Etats sur le marché et à la nécessité des entreprises de s'adapter à la nouvelle donne économique caractérisée par une concurrence accrue ainsi que du fait des marchés instables et imprévisibles. La flexibilité du Droit du Travail qui en est résultée s'est traduite pour le travailleur par une précarisation de l'emploi et une instabilité du revenu. La question qui se pose, a-t-il précisé, est de savoir jusqu'où ira la capacité du Droit du Travail à s'adapter sans perdre sa capacité essentielle de protéger, et dans quelle mesure la course à la flexibilité du Droit du Travail ne va-t-elle pas entraîner une diminution du niveau de protection sociale dans le Monde. M. Ennaceur a souligné que la Déclaration de l'OIT sur les droits fondamentaux au travail de 1998 vient en partie répondre à cette problématique dans la mesure où elle se pose en alternative à la clause sociale dans les conventions multilatérales du commerce. Le président du l'ATDS a par ailleurs fait remarquer que cette Déclaration de l'OIT représente « un progrès important dans la mise en œuvre des normes internationales du travail et la consécration de l'universalité des principes qu'elles comportent ». Il y a lieu de préciser que cette rencontre africaine a permis de créer un réseau africain de spécialistes en droit social, initiative, proposée par l'ATDS, et saluée par la totalité des intervenants européens et africains qui a reçu le soutien du BIT et de l'AFDT qui se sont engagés à prêter leur assistance notamment pour enrichir le contenu du site web. Ce réseau a été créé dans le but d'œuvrer au développement à la recherche en droit social, d'offrir un cadre de débat et favoriser l'échange d'expérience entre les différents spécialistes. Le réseau va ainsi permettre aux spécialistes en droit social, d'organiser des rencontres, de mettre en œuvre des projets de recherche, de développer des relations de coopération et même ultérieurement offrir des bourses à des chercheurs en droit social. Dans l'immédiat, il a été décidé la création d'un site web qui servira de plateforme de communication pour la mise en pratique des objectifs et la facilitation de l'organisation des activités proposées. Enfin, l'ATDS a été chargée par les participants de l'administration du réseau pour une durée de 2 ans. Les professeurs Nouri Mzid et Mongi Tarchouna ont présenté le rapport de synthèse de ce colloque dans lequel ils ont souligné la difficulté d'établir la nature du lien existant entre droit social et libéralisation des échanges en mettant l'accent sur l'existence d'une multitude d'obstacles ( d'ordre socioculturel mais aussi structurel, législatif, etc) à la mise en place d'un cadre juridique africain commun qui est à même d'assurer une protection adéquate pour tous les travailleurs. Enfin, M. Mzid a conclu son rapport en affirmant que « l'Afrique sociale n'est peut-être pas pour aujourd'hui mais elle demeure une ambition louable ».