Projet de loi sur le surendettement des ménages Le citoyen a-t-il les moyens de subsister… sans les crédits ? L'EXPERT – Les ménages tunisiens n'ont plus les moyens, dans leur grande majorité, n'arrivent pas à joindre les deux bouts, pour achever le mois, et ce qui est cynique, c'est que l'Etat continue à puiser dans le portefeuille du citoyen, tout en faisant le nécessaire pour tenter de l'empêcher de s'endetter, outre mesure, afin… qu'il ne bascule pas de la pauvreté. Pourtant, par quelle magie veut-on qu'un pauvre ne bascule pas dans la pauvreté. Les excuses du gouvernement sont multiples, mais, elles n'ont aucune chance pour convaincre le citoyen qui ne cherche qu'à avoir, aujourd'hui, les moyens nécessaires pour survivre et non pour vivre dans le luxe. Un projet de loi relatif au traitement du surendettement des particuliers verra bientôt le jour, a affirmé, récemment, le ministre chargé des relations avec les instances constitutionnelles et la Société civile et des Droits de l'homme Mohamed Fadhel Mahfoudh. « Cette initiative s'inscrit dans le cadre des droits économiques et sociaux qui ne sont pas de moindre importance que ceux politiques et civils. Elle vise à instaurer une loi qui protège les citoyens, notamment les ménages à revenus moyens, contre l'endettement excessif », a-t-il aussi souligné, lors d'un atelier organisé à Gammarth (Banlieue nord de Tunis), dans le cadre de la préparation de ce projet de loi. Ce projet de loi permettra à l'Etat et aux collectivités locales de mettre en place les programmes et les mécanismes de prévention à même de doter la stratégie nationale de protection des individus et des ménages contre les risques de l'endettement excessif, de plus d'efficacité afin d'éviter que ces catégories sociales ne basculent vers la pauvreté. Il vise aussi à rompre cette spirale du surendettement et de fragilité sociale et à renforcer l'inclusion économique et sociale tout en remettant en valeur les principes de travail, de l'effort et de la rationalisation de la consommation. Une enquête élaborée par l'Institut national de la consommation, en décembre 2018, sur la réalité, la structure, les sources et les usages de l'endettement et son impact sur le pouvoir d'achat, a montré que 42% des chefs de familles interrogés (1268 sur un total de 3015 chefs de familles) ont déclaré avoir été (ou l'un des membres de leurs familles) en situation d'endettement avant 2018, a indiqué ZoubairRabeh, directeur des études à l'INC. En 2018, 25% des chefs de familles interrogés (738 sur un total de 3015) ont déclaré avoir été (ou l'un des membres de leurs familles) en situation d'endettement. Le responsable de l'INC a, par ailleurs, fait savoir que l'enquête sur l'endettement qui sera bientôt publiée a aussi montré que le citoyen tunisien s'endette pour couvrir les dépenses quotidiennes, dont celles relatives à l'éducation et à la santé. Baisse des crédits automobiles Par ailleurs et pour démontrer que le citoyen ne cherche qu'à vivre, les dernières statistiques montrent que la valeur des crédits bancaires automobiles ont connu une régression de 2,1%, entre 2017 et 2018, s'établissant à 315,4 millions de dinars (MD), l'année écoulée, selon les indicateurs publiés par la Banque centrale de Tunisie sur les crédits bancaires octroyés aux ménages tunisiens. L'encours des crédits a baissé de 56%, passant à 1208 MD en 2018. L'encours global des crédits bancaires destinés à la consommation a atteint 23,9 milliards de dinars à fin décembre 2018 (+5,3%). Ces crédits sont répartis entre 11 milliards de dinars pour l'achat de logement, 9,5 milliards de dinars pour l'amélioration du logement, 3,2 milliards de dinars de crédits de consommation à court terme et 315 millions de dinars de crédits automobiles. Les crédits immobiliers ont évolué de 12,3% entre décembre 2016 et décembre 2017, avant se s'inscrire en baisse de 6% entre 2017 et 2018. Les crédits destinés à l'amélioration du logement ont augmenté de 8,4%, durant l'année 2017, mais de 3,5% seulement durant l'année 2018. Ceux destinés à la consommation ont stagné aux alentours de 10,6% en 2017, avant de régresser à 8,5% en 2018. Analysant ces données, le directeur général de l'Institut national de la consommation, Tarek Ben Jazia a évoqué » le grand impact des deux hausses du taux directeur de la BCT en mars et juin 2018 sur l'évolution des crédits octroyés aux ménages ». Il a, à ce titre, estimé que « ces augmentations n'ont pas permis de contenir l'inflation, qui est reparti en hausse en février 2019, pour s'établir à 7,3%, ni d'atténuer la demande de liquidité des banques, laquelle a atteint un niveau record le 4 mars 2019, s'élevant à 16,7 milliards de dinars, contre 12,2 milliards de dinars, le 4 mars 2018. La baisse enregistrée en matière de crédits immobiliers, due à la hausse des prix de l'immobilier, a généré une régression des ventes des appartements de 37% durant le quatrième trimestre de 2018, outre le repli des ventes des terrains constructibles. Ben Jezia a averti » il ne faut pas toucher à la consommation qui constitue l'un des principaux moteurs de la croissance, alors que les deux moteurs de l'export et de l'investissement, sont en panne ». « Le moteur de la consommation fonctionnait, en partie, grâce aux crédits bancaires, mais les restrictions imposées à l'emprunt bancaire à travers l'augmentation du taux directeur, pourraient impacter ce moteur. L'INC avait, à ce propos, mis en garde contre la montée du phénomène de l'emprunt parallèle, à travers le recours à des parties autres que bancaires ou aux ventes fictives pratiquées par certains magasins d'électroménager. Le responsable de l'INC a souligné la nécessité de suivre de près la question de l'endettement des ménages et de l'analyser profondément, faisant savoir que l'institut publiera prochainement une étude sur cette question.