Les exportations japonaises de véhicules et de pièces détachées vers les Etats-Unis ont enregistré une baisse historique de 24,7 % en mai 2025 sur un an, selon les chiffres publiés mercredi par le ministère nippon des Finances. Cette chute, la plus importante depuis plusieurs années, résulte directement des surtaxes douanières imposées par Washington, et représente un coup dur pour l'un des secteurs stratégiques de la quatrième économie mondiale. Une baisse des prix pour absorber les taxes Dans le détail, la baisse en valeur des exportations contraste avec une baisse modérée des volumes (-3,4 %), indiquant une stratégie de réduction des prix pratiquée par les constructeurs automobiles nippons pour conserver leur compétitivité sur le marché américain. Selon Taro Saito, économiste principal du NLI Research Institute, cette tactique vise à limiter l'impact des surtaxes américaines sans perdre de parts de marché : « Il semble que les constructeurs automobiles procèdent à une baisse massive de leurs prix afin d'absorber le surcoût des droits de douane. » Le Japon est en effet soumis à un droit de douane standard de 10 %, applicable à la plupart des pays, mais également à des surtaxes de 25 % sur les voitures et de 50 % sur l'acier et l'aluminium. Pire encore, un relèvement à 24 % des surtaxes dites réciproques, suspendues jusqu'en juillet, menace de s'appliquer dans les prochaines semaines, renforçant davantage les tensions commerciales. Une dépendance structurelle au commerce extérieur Dans un pays où l'automobile représente près de 30 % des exportations vers les Etats-Unis et environ 8 % de l'emploi total, cette chute inquiète profondément les milieux économiques. Tous secteurs confondus, les exportations japonaises vers les Etats-Unis ont baissé de 11 % en mai, tandis que les importations en provenance des Etats-Unis ont chuté de 13,5 %. Il en résulte une diminution de 4,7 % de l'excédent commercial nippo-américain, la première contraction depuis cinq mois. Le Premier ministre Shigeru Ishiba, en marge du sommet du G7 au Canada, a mis en garde contre « de graves répercussions » sur les deux économies et sur la stabilité du commerce mondial. « Les surtaxes douanières plombent les bénéfices de nombreuses entreprises japonaises », a-t-il déclaré, après un entretien infructueux avec le président américain Donald Trump. En mai, le Japon a enregistré un déficit commercial total de 637,6 milliards de yens (environ 3,8 milliards d'euros), soit un deuxième mois consécutif dans le rouge, un signal alarmant pour un pays traditionnellement excédentaire. Un bras de fer aux conséquences globales L'ampleur de cette baisse traduit bien plus qu'un simple ralentissement conjoncturel. Elle révèle un bras de fer commercial d'une nature stratégique, où les relations entre deux alliés historiques se tendent sous la pression de mesures protectionnistes : 1. Le piège des surtaxes dissimulées : Bien que les Etats-Unis maintiennent une alliance politique forte avec le Japon, les mesures tarifaires appliquées sont équivalentes à celles imposées à des concurrents directs. Cela remet en cause l'exception japonaise, pourtant traditionnellement préservée dans les accords bilatéraux. 2. L'effet domino sur l'industrie mondiale : Le repli des exportations japonaises pourrait engendrer des effets de chaîne sur les autres économies asiatiques et sur le secteur automobile mondial, notamment via les flux d'approvisionnement perturbés et une guerre des prix qui déséquilibre les marges. 3. Un test pour l'ordre commercial multilatéral : Ce conflit montre les limites de l'OMC et des cadres de régulation classiques, incapables d'endiguer une montée des tensions commerciales désormais dictées par des logiques de souveraineté économique et de sécurité nationale. Pour le Japon, une réorientation stratégique de ses débouchés commerciaux vers d'autres régions, comme l'Asie du Sud-Est ou l'Union européenne, semble désormais inévitable. Mais cela ne pourra se faire sans coûts d'adaptation élevés et sans redéfinir l'offre des constructeurs nippons sur des marchés plus exigeants. Ainsi, la chute des exportations automobiles japonaises vers les Etats-Unis en mai 2025 constitue un signal d'alarme économique et géopolitique. À court terme, le Japon devra choisir entre l'affrontement commercial ou la négociation difficile. À long terme, cette crise révèle surtout la fragilité des interdépendances économiques mondiales, même entre alliés historiques. Commentaires Que se passe-t-il en Tunisie? Nous expliquons sur notre chaîne YouTube . Abonnez-vous!