C'est le dossier algérien qui a fait en grande partie sa popularité (pour le reste les Français restent sur leur faim). Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau faisait feu de tout bois pour attiser les tensions entre Paris et Alger, même le président Emmanuel Macron n'avait pas pu le contraindre à ranger ses couteaux pour laisser la place à la diplomatie, qui reste l'affaire du chef de l'Etat. Mais le Retailleau qu'on a vu hier dimanche 29 juin sur BFMTV n'a rien à voir avec l'incendiaire qui arpentait les plateaux télé et radio, de toute évidence quelque chose a changé. Est-ce son nouveau statut de chef de parti et de candidat naturel des Républicains – la droite – à la présidentielle de 2027 qui l'a convaincu qu'il devait tout de suite entrer dans le costume du défenseur des intérêts supérieurs de la France ? Est-ce l'enchaînement de revers et l'impossibilité d'attiser davantage le feu qui l'ont convaincu de changer de braquet avant que son impuissance soit unanimement reconnue et plombe sa campagne électorale ? C'est peut-être tout ça à la fois… Retailleau a reconnu hier sans difficulté que les relations entre la France et l'Algérie «sont évidemment polaires». Normal me direz-vous, le ministre français de l'Intérieur a tout fait pour qu'on en arrive là. Il a remonté à la genèse du pic de la crise, fin juillet 2024 : la «reconnaissance par la France de la marocanité du Sahara occidental (…). Ça été le pic de la crise» «Cette crise a dégénéré, du moins en ce qui me concerne, sur la volonté de l'Algérie de ne pas respecter l'accord de 1994» sur la réception des ressortissants algériens expulsés par la France. Retailleau a rappelé l'attaque mortelle de Mulhouse le 22 février dernier, en redisant que le gouvernement français a harcelé les autorités algériennes – 14 demandes dit Paris – pour obtenir un laissez-passer consulaire afin de se débarrasser de l'auteur de l'attentat, en vain. La nouveauté et elle est de taille : Retailleau s'en tient à son pré carré, aucun débordement, pas un mot par exemple sur l'affaire Boualem Sansal ni sur la trajectoire des liens entre les deux pays. «Je ne ferai pas de déclarations au-delà de ce que je viens de vous dire», s'est borné à dire le ministre français de l'Intérieur. On l'a connu beaucoup plus loquace, plus vindicatif et plus belliqueux, sur Sansal et tous les autres sujets relevant de la diplomatie française. Justement le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, qui se plaignait que Retailleau marche sur ses plates bandes, a pris la parole avant son collègue à l'Intérieur, samedi dernier sur LCI. Barrot a fait la seule chose sensée dans ce contexte délétère : il a exhorté les autorités algériennes à faire un geste humanitaire pour l'écrivain franco-algérien, incarcéré depuis novembre dernier en Algérie. Rappelons que Sansal a été rejugé en appel le 24 juin dernier et comme lors du premier jugement le Procureur a requis 10 ans de prison. Le verdict est attendu demain mardi 1er juillet mais la grâce présidentielle tourne dans les esprits, à l'occasion de la célébration de l'Indépendance de l'Algérie, ce 5 juillet. Le chef de l'Etat français espère que son homologue Abdelmadjid Tebboune lui enlèvera cette épine du pied. Des personnalités françaises comme l'ancienne ministre Ségolène Royal, citée par Tebboune parmi les dignes ambassadeurs des deux pays, ont milité pour que Sansal soit gracié, un premier grand pas vers la réconciliation. Des avocats algériens ont également émis cette hypothèse. Nous verrons bien dans 5 jours. Ce qui est certain c'est que Retailleau n'a pas de place dans cet agenda et il n'a pas le pouvoir de s'y imposer au risque d'être brisé politiquement… Barrot et les apôtres de la Paix tiennent leur revanche, et elle sera encore plus éclatante si Sansal est tiré d'affaire le 5 juillet prochain. Les derniers développements sur le plan économique indiquent que Paris et Alger sont disposés à enterrer la hache de guerre. Les intérêts stratégiques de l'un et de l'autre plus les millions d'enfants que partagent les deux pays dicteront la marche à suivre.
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