Pour une affaire d'atteinte à la sûreté de l'état, c'est un bien maigre dossier qui a été mis entre les mains du juge d'instruction du 5ème bureau du tribunal de première instance de Tunis. Point de faits tangibles, ni d'enregistrements de communications suspectes, encore moins de réunions douteuses. Le dossier ne contient pas de descriptif des actes programmés pour « renverser » l'état, ni de listes des brigades qui seraient impliquées dans l'exécution d'un complot quelconque. A se demander, comment un homme, tout Kamel Létaïef qu'il est, peut, « à mains nues », et moyennant quelques coups de fil, renverser un régime. En effet, en guise de dossier, le juge dispose d'une liste de numéros de téléphones et de dates. Cette liste représentant les appels émis et reçus par Kamel Létaïef durant une certaine période. En plus de cette liste, le dossier renferme les témoignages de trois ou quatre personnages, dont Chafik Jarraya, un ex-cadre du ministère de l'intérieur et le plaignant lui-même. Et quels sont, au fait, les actes reprochés à Kamel Létaïef ? Il s'agit d'une série de supputations élaborées et éditées par le plaignant, l'avocat Cherif Jebali, qui a eu la patience d'émettre des suppositions à la simple vue de ladite liste, comme on lirait l'avenir dans du marc de café. Il a calculé les appels entrants et sortants de « l'accusé » avec un certain nombre de personnalités, y compris des responsables sécuritaires, en faisant des liaisons avec certaines dates bien déterminées, pour conclure au complot. Une chose importante manque tout de même, cruellement, au dossier, c'est la principale pièce à conviction ou l'arme du crime qu'est le téléphone portable de Kamel Létaïef.