Après avoir quitté le poulailler gouvernemental, Mehdi Mabrouk, dans un gloussement digne d'une poule mouillée, vient de pondre un gros œuf en guise de « lettre d'excuse » qui, en fait, n'en est guère une. La chakchouka sémantique qu'il s'est démené à servir chaude et épicée manque de goût et de piquant. Le texte, sans épaisseur ni profondeur, n'est qu'un insondable exercice de style, une figure de rhétorique aussi confuse qu'empruntée. Pour un homme supposé de culture, on s'attendait à mieux, surtout après un long silence, surtout pas un monceau d'antiphrases autant décousues que mal formées. N'est pas érudit qui veut ! Oser pointer pour une fois son nez hors de sa basse-cour pour offrir une omelette aussi insipide, il faut vraiment le faire ! Le drôle ce n'est aucunement ce qu'il a écrit mais l'esprit avec lequel il a écrit, un esprit revanchard, aigri et tourmenté. En un mot « Adhma bla fass » (Œuf sans jaune d'œuf). « Lettre d'excuse » ? Que nenni ! C'est plutôt un ramassis d'euphémismes, de poncifs et de parodies, rien qui soit sincère ou même lisible. Là il où il croyait feindre l'ironie, il ne fait que dans le fade, là où il pensait arracher des sourires, il ne provoque que des rictus désabusés. Il semble marcher beaucoup moins sur les trottoirs pavant le chemin de mea culpa que sur les œufs et les coquilles vides. Il n'a raté pratiquement personne pour lui adresser ses plus plates excuses. Son éventail, à en foutre la chair de poule, n'a manqué juste que l'épicier du coin ou la Daguezza du quartier pour en compléter la liste. Quand même, il aurait du, par décence et gratitude, réserver une part de ses excuses aux hommes de lettres, d'art et de culture qui n'ont pas cessé de critiquer son transparent passage au Ministère de la Culture. Il aurait pu exprimer ses regrets pour avoir traduit en justice deux journalistes, Nasreddine Shili (qui a écopé de 5 mois de prison avec sursis et une amende de mille dinars) Mourad Mehrezi (qui a bénéficié d'un un non-lieu), dont l'unique crime était de lancer un œuf à la tête de Mehdi Mabrouk. Celui-ci a fait tout son cinéma (ce qui est normal pour un homme régissant l'art), poussant le don théâtral jusqu'à faire constater les faits à l'hôpital Charles Nicolle. On dirait qu'on lui a décoché un œuf en plomb en pleine figure. En ces jours de controverse et de désordre, où le temps n'est aucunement à la farce, Mehdi Mabrouk aurait pu faire preuve d'hauteur et de grandeur et nous épargner ses traits d'esprits et ses ténébreuses humeurs. La facette spirituelle et l'humour décapant dont il croyait faire montre n'est qu'une vue de l'esprit si ce n'est un nébuleux écran de fumée. Ni au propre ni au figuré ! L'ex ministre n'était ni Mehdi (Guide) ni Mabrouk (de bon augure). D'abord, il s'était trop égaré dans les coulisses de la politique et s'était trop mêlé les pinceaux (c'est le cas de le dire) pour mener la gente culturelle tunisienne sur le droit chemin. Ensuite, son visage n'était pas trop mabrouk sur le paysage culturel de notre pays. C'en était même le corbeau noir !