Depuis quatre ans, jour pour jour, la question demeure retentissante, mystérieuse et orpheline de réponse, enfouie dans un silence assourdissant. Cinq gouvernements se sont succédés sans qu'aucun n'ait fait avancer le dossier.Pire encore, les bâtons politiques aux roues de la justice sont légion. Durant la campagne électorale, Nida Tounes s'était engagé à mettre l'énigme au premier rang de ses priorités et à le résoudre en cas de victoire au scrutin. Depuis deux ans qu'il détient tous les pouvoirs, à Carthage, à la Kasbah et au Bardo, malgré les promesses répétées, rien ou presque n'a été fait. Comme pour faire bonne conscience ou noyer davantage le poisson, le Gouvernement Youssef Chahed a bien voulu donner le nom du regretté martyr à une place de la capitale. Le geste est certes gratifiant et symbolique mais ne rend pas pour autant la justice ni débusque les meurtriers, les complices et les commanditaires. La police criminelle tunisienne, connue pour sa compétence et son expertise, ayant élucidé les crimes les plus complexes, semble, sur l'affaire de Chokri Belaid, battre de l'aile, perdre pied et avoir égaré sa science. Peut-être qu'aux yeux de la justice tunisienne, l'exécution de Kamel Gadhgadhi et ses compagnons, identifiés ou plutôt présentés comme les auteurs de l'assassinat, clôt le chapitre et achève le sombre épisode. Circulez, il n'y a plus rien à voir, le rideau est tombé et le spectacle est terminé !La mise à mort des terroristes susmentionnés a engendré plus de problèmes qu'elle n'en a résolu et a ajouté une couche d'obscurité aux diverses zones d'ombre dont pâtit le dossier Chokri Belaid. Nul doute que l'opération de la Garde nationale, menée en Février 2014, a plutôt mis une chape de plomb sur l'enquête et a enlisé encore plus la quête de la vérité. Qui a assassiné ChokriBelaid?! L'appel continue de plus belle, toujours vivace et toujours meurtri.Le cri reste poignant et non moins révolté, même si l'écho ne rend rien jusqu'ici. Le devoir de mémoire est plus tenace, pas de place à l'oubli. Chokri Belaid aime la vie, toute la Tunisie lui doit la vérité et la justice. Faire la lumière sur ce sombre dossier n'est plus un choix mais bel et bien un impératif national. Il est temps plus que jamais de lever le voile. La Fondation Chokri Bélaïd a placé le quatrième anniversaire de l'assassinat sous le leitmotiv : « Seule la vérité éclaire la Tunisie et combat le terrorisme« . Que les autorités tunisiennes compétentes concernées donnent un contenu tangible à ce slogan, qui en quelques mots résume tout. Depuis quatre ans, on tue Chokri Belaid chaque jour. Il y a vraisemblablement anguille sous roche.Il n'est pas interdit de penser que, dans les hautes sphères de l'Etat, un noyau dur, fort et influent bloque la procédure judiciaire et fait de sorte que la vérité ne jaillisse pas. Peut-être qu'un compromis a été scellé en haut lieu pour enterrer l'affaire, auquel cas ce serait un crime d'Etat. A trop trainer le pas et à défoncer les portes ouvertes, il est dans l'ordre naturel des choses que l'opinion publique, nationale et international, se pose des questions et exprime des soupçons, des doutes et des incertitudes. Sinon comment comprendre qu'après quatre pénibles et longues années, le dossier reste encore figé à la case départ, suscitant les interrogations les plus curieuses (et les plus légitimes au demeurant). Tout laisse penser qu'il y a un agenda derrière cette inertie et cette mauvaise volonté à tout mettre en œuvre pour démêler l'écheveau et révéler les dessous et les arcanes de l'assassinat de l'Icone Chokri Belaïd. La situation tourne à la mauvaise farce. L'omerta a suffisamment duré. La plume muette et la voix sourde en sont tout aussi complices. Il en est de même pour ceux qui offrent des alibis et banalisent le crime. Bon Dieu de Bon Dieu, qui a assassiné Chokri Belaid?!