TUNIS (TAP) - Comment passer de l'information à vocation gouvernementale à l'information à vocation publique ? Quelles sont les réformes juridiques et structurelles qu'il faut adopter pour assurer l'autonomie du secteur et le mettre au service du citoyen ? ces questions et tant d'autres ont été au centre du débat organisé, jeudi, à Tunis, par l'Instance nationale pour la réforme de l'information et de la communication (INRIC) sur ce sujet, débat animé par Mme Nejla Amri, directrice régionale de la BBC. Dans ce cadre, M. Kamel Laâbidi, président de l'INRIC, a indiqué que le concept du service public dans le secteur de l'information demeure flou et nécessite de prendre connaissance des expériences menées par les régimes démocratiques dans ce domaine, faisant remarquer que l'INRIC s'est employée, depuis sa création, au mois de mars 2011, d'offrir l'opportunité à ceux qui le souhaitent de tirer profit des expériences des régimes démocratiques en matière de réforme de l'information et de garantie de l'autonomie de l'information publique. Il a ajouté que le rôle dévolu à l'information publique n'est pas aisé, d'autant que le service public est appelé, avant tout à garantir le droit du citoyen-contribuable à une information libre et crédible, respectueuse de ses droits fondamentaux et de son intelligence et adaptée à ses besoins car le droit à l'information est similaire au droit à l'éducation, au droit à la sécurité et au droit au travail. Il a expliqué que la garantie de l'autonomie de l'information exige un ensemble de conditions juridiques et organisationnelles, en plus d'une volonté politique de la part de toutes les parties pour respecter cette autonomie et la consacrer dans la réalité à travers les méthodes de gestion et d'évaluation des moyens d'information publique, outre le rôle dévolu aux structures modératrices. M. Laâbidi a passé en revue les conditions internationales pour garantir l'autonomie des établissements d'information dont l'indépendance, garantie par la loi, de la ligne éditoriale du service public face au gouvernement, le travail au service de l'intérêt général, en évitant les interventions politiques et commerciales. Il s'agit également de créer un conseil d'administration indépendant qui sera chargé de diriger le service public tout en fixant ses prérogatives et ses devoirs. Parmi les autres critères internationaux de l'autonomie de l'information publique audiovisuelle, ajoute M. Laâbidi, figurent la création d'un organisme modérateur chargé de concrétiser des principes fondamentaux tels que la neutralité et l'égalité entre les citoyens s'agissant d'accéder à l'information audiovisuelle, le respect des conditions adoptées par les régimes démocratiques pour garantir la liberté de la communication audiovisuelle. Il a précisé que le processus de réforme de l'information ne peut être couronné de succès en l'absence d'une volonté politique et du dialogue avec les organismes professionnels et syndicaux, ainsi que les experts en la matière. De son côté, M. Taieb Youssfi, Président-directeur général de l'Agence Tunis Afrique Presse (TAP), a mis en exergue la nécessité, au cours de cette période délicate de la transition démocratique, d'identifier les meilleurs moyens d'assurer la transformation des établissements d'information dits officiels ou gouvernementaux en des établissements de service public dotés des attributs de l'autonomie et de la neutralité, par rapport à toute partie politique, partisane ou de lobbying. ''Puisque les établissements de l'information publique sont, a-t-il ajouté, financés par l'argent public, cela implique, qu'ils soient au service de la communauté nationale sans discrimination aucune et qu'ils soient le miroir reflétant objectivement et fidèlement la dynamique politique, économique et sociale et les préoccupations de l'opinion publique. M. Youssfi a observé que partant du fait que l'Agence TAP constitue "la locomotive de l'information publique", cela implique la nécessité de parachever les réformes juridiques, réglementaires et structurelles pour consacrer la notion du service public dans cette institution, lui permettant de jouer pleinement son rôle sur la scène médiatique. Il a souligné que les défis qui se posent à la TAP consistent, à ce propos, à adopter une ligne éditoriale claire basée sur le professionnalisme, la précision et la crédibilité, ainsi que la consécration du pluralisme, du droit à la différence et la neutralité par rapport à tous les acteurs politiques. Il a fait remarquer que tout cela exige davantage de formation et de recyclage, d'intensifier les sessions de formation et de prendre connaissance des expériences comparatives, outre le renforcement de la coopération avec les organismes et les établissements d'information et de communication à l'intérieur comme à l'extérieur du pays. M. Youssfi a, dans ce contexte, indiqué que l'Agence TAP a entamé l'élaboration d'un programme global permettant de renforcer la formation et les capacités professionnelles de tous ceux qui y travaillent notamment dans les services de rédaction en vue de conforter les attributs du service public. Pour sa part, M. Adnène Khedher, Président-directeur général de l'Etablissement de la Télévision tunisienne, a qualifié les lois et les législations qui régissent la production au sein de cet établissement de ''rigides'' parce qu'elles entravent, selon lui, la gestion, recommandant à ce sujet de promulguer des lois ''souples'' en vue de promouvoir la production audiovisuelle. Il a ajouté que le cumul des expériences et des expertises avec le temps permettra de garantir l'autonomie, de créer un climat pluraliste au sein de l'établissement et de dépasser les erreurs, en adoptant une ligne éditoriale basée sur le suivi des préoccupations du peuple, la proximité et le respect de la transparence loin des conflits et des allégeances. Il a appelé à mettre en place une charte de conduite pour éviter les tensions et se consacrer à la diffusion d'une information crédible et hisser la télévision tunisienne au rang de service public bénéficiant de crédibilité auprès des spectateurs. M. Habib Belaïd, Président-directeur général de la Radio tunisienne, a évoqué certaines priorités, dont la nécessité de créer un organisme indépendant de la communication audiovisuelle et d'introduire la notion de l'autonomie de l'information dans la future constitution, outre la mise au point d'une charte de conduite pour garantir l'autonomie de l'information et sa neutralité, sans oublier de s'attacher aux traditions démocratiques au sein des établissements de presse, à l'instar de la réunion de rédaction et la création de conseils de rédaction impliquant toutes les parties en fixant leurs prérogatives et leurs rapports avec l'administration. Il a insisté sur la nécessité de changer les mentalités en encourageant l'initiative et en réfutant les instructions, précisant que la radio demeurera un établissement ouvert sur les compétences et ''non un établissement de bienfaisance pour régler les cas sociaux''. De son côté, M. Néjib Ouerghi, Président-directeur général de la SNIPE-La Presse, a indiqué que le passage de l'information du cadre gouvernemental au cadre public se déroule d'une manière spontanée et non organisée, observant que le respect des normes professionnelles n'a pas empêché de tomber dans des erreurs. Cela, a-t-il dit, est normal dans une période transitoire où tout le monde fait son apprentissage. Il a posé une série de questions ayant trait à l'information publique dont : quel rapport entre l'établissement public et son propriétaire initial? l'élection de rédacteurs en chef est-elle la bonne voie pour instaurer une presse libre et crédible ?.