La séance plénière tenue à l'Assemblée Nationale Constituante, jeudi 1er mai, consacrée au vote de la loi électorale constitue une validation plus que démonstrative d'une idée formulée par Sénèque il y a vingt siècles : «C'est un vieux proverbe que celui-ci : un gladiateur se décide dans l'arène.» En effet, les téléspectateurs de la TV Nationale 1 ont eu droit à un spectacle de mauvais goût animé dont le personnage central est un député nommé Brahim Gassas dans l' «arène-hémicycle » de l'ANC. Prenant la parole pour –officiellement- émettre un «avis» concernant ce qu'on appelle la «parité horizontale», le député qui a sa propre marionnette dans l'émission d'Ettounsiya TV, La Logique politique s'est lancé dans un discours lyrique franchement hostile à la femme dont la fonction principale est de «laver les pieds de son mari». Mobilisant un référentiel idéologique-théologique d'un autre temps et d'un autre lieu, ce « représentant du peuple» a persévéré dans son atteinte à la mémoire des luttes féminines en travestissant l'héritage libérateur de l'Islam et en affirmant : «Le prophète a déclaré que si la femme devait se prosterner pour quelqu'un, ça serait pour son mari, c'est la religion, et la femme n'a pas le droit de contester. Au lit, elle ne peut tourner son dos qu'avec l'autorisation de son mari. C'est la religion, c'est la religion, que les efféminés aillent au diable !». Très belle leçon de féminisme d'un député arrivé à l'ANC dans un contexte politique surréaliste. Certes, il est difficile pour un «chauffeur de poids-lourd» devenu, après avoir été aidé par le gouverneur de Kébili, «chauffeur de louage» selon Wikipédia, de comprendre ce que c'est l'émancipation des femmes et la révolution des mœurs à l'œuvre dans la société tunisienne. Alors que l'exigence de parité politique est perçue comme une variable déterminante de modernité politique et vecteur fondamental de citoyenneté au féminin, le député nommé Brahim Gassas continue à s'accrocher à un imaginaire qui n'existe que dans les livres jaunes. Le comportement indigne de ce vrai-faux représentant du peuple est insulte au principe de la souveraineté populaire et fait honte à la Tunisie de l'après 14 janvier. Est-ce que le citoyen tunisien est condamné à rester sans voix au chapitre face à une telle médiocrité politique et bassesse morale qui conduit un « dérangé mental » à qualifier les représentants du peuple d'homosexuels et de femmelettes ? Comment rester silencieux devant cette déliquescence de l'auguste Assemblée Constituante ? Est-ce que le règlement intérieur de l'ANC n'a pas prévu de mesures disciplinaires dans ce type de situation ? Quelque soit l'élément de réponse, il y a lieu de dire que la liberté de parole y compris celle des députés a des limites et que le député nommé Brahim Gassas est notoirement connu par son machisme puisque tous les spectateurs de la TV Nationale 1 la TV Nationale 2 se souviennent toujours de sa fameuse phrase à l'adresse de la ministre du tourisme : «Hizzi robtik wa rawhi.» Peut-être qu'il est temps de dire à celui qui ne représente plus ses électeurs à l'ANC : «Cesse ton folklorisme, prends ton bagage, dégage et vas te laver les pieds avec l'eau chaude». Le machisme du député nommé Brahim Gassas et Cie n'a pas à s'exprimer dans l'hémicycle de l'ANC. Ça n'a strictement rien à voir ni avec la liberté d'expression ni la liberté de pensée. Des voix discordantes comme celle du député nommé Brahim Gassas peuvent nuire à l'image de la modernité au féminin dans une Tunisie héritière de la reine Didon. Mais elles ne peuvent pas freiner la marche de la société tunisienne vers l'égalité pleine et totale entre les femmes et les hommes dans une démarche solidaire pour aller de l'avant et consolider les fondamentaux du progrès.