La conjoncture économique postrévolution n'aura pas été facile pour le secteur du cuir et chaussures, à l'instar des autres secteurs d'activités. Au terme de l'année 2011, on enregistre une baisse vertigineuse de 66,6% des investissements déclarés, soit 14,1 MDT contre 42,2 MDT en 2010. Le climat social qui s'est détérioré durant la première moitié de l'année dernière a considérablement impacté l'image du secteur, avec l'interruption d'activités de certaines entreprises. Selon le bilan dressé par le Centre national du cuir et de la chaussure (CNCC) pour l'année 2011, «presque pas de nouveaux investissements dans le secteur, quelques entreprises ont cessé leur production, d'autres envisagent de restructurer leur plan de charge, d'autres sont même contraintes à travailler en veilleuse». Climat tendu Les grèves ont eu raison de l'enthousiasme des investisseurs. Les perturbations sociales coïncidaient avec les deadlines des commandes pour les donneurs d'ordre européens. A cette date-là, les professionnels du secteur s'inquiétaient pour la satisfaction de leurs engagements, qui influencera évidemment le renouvellement des commandes. A noter que le mois de février de chaque année c'est la fin de saison, et mi-mars commence la deuxième. Lassaâd Slama, membre de la Fédération nationale du cuir et de la chaussure, nous confiait, dans un article précédent, son inquiétude. «C'est à cette date-là que les commandes sont renouvelées. Mais avec les difficultés que nous rencontrons maintenant, nous craignons de perdre nos marchés. Il y a un manque de visibilité énorme face à l'avenir et face à nos clients étrangers», se plaignait-il. Bons indicateurs Ceci dit, malgré la situation critique, le secteur a tout de même enregistré une certaine performance et a pu résister, comme il le peut, aux aléas du moment. Les exportations du secteur ont évolué de 8% par rapport à 2010 pour passer de 967,4 MDT à 1.044,4 MDT contre 19,3% en 2010. Le produit de base à l'exportation est sans conteste la chaussure complète. Les exportations de chaussures complètes représentent 56% des exportations globales du secteur soit 587,4 MDT, viennent ensuite les tiges de chaussures avec 221,7 MDT puis les articles de maroquinerie avec 139,1 MDT. «Certes, le rythme de croissance est en deçà de ce qu'on a l'habitude de constater, mais cette croissance reste toujours un très bon indicateur qui dénotent le dévouement et la persévérance de tous les opérateurs du secteur», indique les responsables du CNCC. D'ailleurs, le Centre souligne que de nouveaux promoteurs de différentes nationalités (des Italiens, Français, Espagnols, Polonais et autres Libyens) s'informent sur les possibilités de coopération avec leurs homologues tunisiens du secteur. Clients traditionnels On affirme également que les exportations de l'année 2011 ont été réalisées par 473 exportateurs, et que 80% du volume des exportations, soit 835,5 MDT, sont réalisées par seulement une cinquantaine d'opérateurs, soit 11% du total des exportateurs. Il est à noter que les destinations privilégiées des produits en cuir fabriqués en Tunisie sont comme l'Italie, la France et l'Allemagne. Ceci est dû au nombre d'entreprises off-shore opérant dans le secteur et qui sont en majeure partie italiennes, françaises, allemandes ou mixtes avec des participations tunisiennes. Selon le CNCC, les produits tunisiens sont aussi acheminés vers 46 autres pays avec des quantités et des valeurs très variables. 87,5% des exportations globales du secteur sont destinées à l'Italie, la France et l'Allemagne avec des valeurs respectives de 484,8 MDT, 310 MDT et 119 MDT. L'Espagne suit de loin avec 16,8 MDT. Ces pays sont suivis par le Hong Kong, la Suisse, le Maroc, le Royaume-Uni, la Turquie et les Pays-Bas avec des valeurs allant de 9,8 MDT pour Hong Kong à 3,2 MDT pour les Pays-Bas. On souligne que la chaussure complète est le produit le mieux exporté vers les marchés traditionnels (Italie, France, Allemagne), qui ont accaparé 86% des exportations globales des chaussures, 506,2 MDT, soit l'Italie avec 257,6 MDT, la France (148,9 MDT) et l'Allemagne (99,7 MDT). Les exportations vers la Suisse sont de plus en plus importantes d'une année à l'autre, note le CNCC. Elles sont passées de 2,9 MDT en 2009 à 4,8 MDT en 2010 pour atteindre 7,3 MDT en 2011. Système de contrôle Du côté des importations, l'évolution est de 5,8%, passant de 632,6 MDT en 2010 à 669,3 MDT. Les intrants (le cuir, les tiges avec ou sans premières de montage, les accessoires et composants), ont cumulé 586,4 MDT, soit 87,6% des importations globales du secteur. Ces importations sont essentiellement l'uvre des entreprises off-shore qui ont l'habitude de s'approvisionner en totalité à partir de leurs pays d'origine, souligne le CNCC. Par ailleurs, on indique que 1.723 importateurs sont enregistrés sur le répertoire des importations du secteur ICC, dont 4,5% de ces importateurs, soit 77 importateurs, ont réalisé à eux seuls 80% des importations globales du secteur soit 535,4 MDT. Le fait marquant au niveau des importations, selon les responsables du secteur, est l'évolution remarquable des importations de chaussures complètes. Elles sont passées de 23,1 MDT en 2009 à 26 MDT en 2010 puis à 36 MDT en 2011 soit une évolution de 56% en trois années. A ce niveau, les importations des chaussures chinoises affectent sensiblement les professionnels du secteur. Ajoutons à cela que le marché parallèle a toujours été la bête noire du secteur. Ainsi, le CNCC appelle à la mise en place d'un système de contrôle par les autorités compétentes pour pallier à toutes les tentatives de fraudes et d'infiltration de chaussures non-conformes aux normes ou contrefaites.