Mokhtar Laâtiri n'est pas mort ! Par Maryam OMAR Les ingénieurs tunisiens auraient tort d'entrer en deuil, car le fondateur de l'ENIT, la première graine de toutes les écoles d'ingénieurs en Tunisie, n'est pas mort. Son esprit, son engagement, sa haute estime de sa profession, son franc-parler de technicien, la religion qu'il a faite du devoir de sincérité, son enjouement, sa 'grande gueule'' vivront à jamais dans la tradition qu'il a su créer et dans chacun de nos ingénieurs. Pour nous, à de nombreux égards, il est le Prométhée tunisien. Rappelez-vous la mythologie grecque où la nature prométhéenne est caractérisée par un idéal d'action et de foi en l'homme tel qu'il est symbolisé par le mythe de Prométhée, ce personnage de la race des Titans qui est l'initiateur de la première civilisation humaine et qui déroba le feu du ciel et le transmit aux hommes. Nous nous rappelons des innombrables rencontres qu'il anima, flamboyant, le cheveu passablement hirsute, la moustache impérieuse, le costume trois pièces impeccable mais cravate défaite quand le temps était printanier, le burnous traditionnel sombre par-dessus quand le temps était hivernal 'Sî Mokhtar'' ne mâchait jamais ses mots, ses interventions étaient passionnées car les idées se bousculaient, nombreuses, dans son esprit hautement érudit et touche-à-tout. Il ne laissait personne indifférent et avait ce don exceptionnel de rester inoubliable pour tous ceux qui l'ont approché, même une fois. Visionnaire, il a vu avant tout le monde, alors que la Tunisie vivait les premières décennies de l'indépendance, que le pays avait un besoin immédiat de techniciens de haut vol pour ponctuer son uvre de développement. Pas seulement les ingénieurs qui étaient vitaux pour la construction de notre pays et dont il disait qu'il leur fallait huit années d'études avant de devenir tels, mais aussi la micro-informatique dont il 'voyait'' que l'aspect généralisé et personnel allait devenir la règle Ben Ali l'honora de son vivant, comme l'on honore ceux qui sont invariablement restés fidèles au drapeau et dont l'érudition en faisait des interlocuteurs de premier rang. Conseiller à la présidence, il était attentivement écouté car là on savait que c'était le sommet de son ambition : être écouté. Ne vous en faites pas, 'Sî Mokhtar'', l'écho de votre voix et de vos idées ne s'arrêtera pas de résonner en Tunisie.